Joli roman, sous une forme proche du conte philosophique.
L'histoire se passe en Argentine, en un temps indéfini, et on y suit l'histoire de Victor et de son frère jumeau Sergio. Enfin, jumeau, oui et non. Car Victor est ce qu'on appelle un R, un clone de Sergio qui n'existe que pour servir de banque d'organes de remplacement pour Sergio.
En effet, dans cette Argentine ci, le clonage humain a été autorisé, précisément dans ce but, et ceux qui en ont les moyens se dotent de "doubles" afin de parer aux éventuels coups du sort. Ces "R" (d'après la lettre qui orne chaque page de leurs papiers d'identité), n'ont donc une existence légale qu'en façade puisque leurs actions sont limités par leur statut : ils ne peuvent quitter le pays, n'ont pas le droit d'avoir de carte bleue, bref, ce sont de simples copies.
Et le questionnement du roman est là, dans cette zone grise : qu'en est-il des droits des clones ? Doit-on les priver de vie sur la base de leur statut de "copie" ?
À travers ce vrai faux questionnement (puisqu'il n'existe évidemment aucun clone humain IRL), se pose aussi la question de l'identité et de l'altérité. Le clone (humain ou non) est-il une simple copie, à l'identique en tous points ?
On se doute bien que non. Néanmoins, Gustavo Nielsen arrive à bien faire passer son récit, centré sur l'opposition des deux personnalités de Sergio et Victor, que tout oppose, et sur la profonde hypocrisie consistant à créer un individu dans le seul but de le charcuter petit bout par petit bout au profit de "l'original".
Le contexte argentin du récit rajoute une petite touche d'exotisme qui n'est pas pour me déplaire. on y voit un pays fier, méfiant vis à vis des multinationales étrangères, et où le clonage humain est devenu sinon banal, au moins banalisé.
Un texte court, mais très prenant.