Chaque fois que je rentre dans cette librairie, – celle qui propose aussi des parts de cake à prix libre, celle où toutes les affichettes sont en « écriture inclusive », celle qui propose un rayon « critique sociale » d’une douzaine d’étagères contre une malheureuse trentaine de romans de S.F. –, je me promets de m’en tenir aux livres que je suis venu chercher. Presque chaque fois que j’en ressors, j’y ai acheté l’un de ces volumes qui, s’ils étaient des tee-shirts, porteraient l’inscription Je suis un bobo en jaune sur fond vert.
Le Corps des libraires, c’est exactement cela. La couverture est belle, les pages sont épaisses, la maison d’édition est petite et indépendante. Un livre pour quelqu’un qui n’a pas la télévision. Pour les auditeurs de France Culture. Pour ceux qui brunchent en terrasse. Pour les profs de français qui veulent sortir la tête des Fourberies de Scapin (recommandé pour les classes de cinquième) ou des Lettres persanes (recommandé pour les classes de première générale) tout en assurant sa contenance.
Les libraires sont des passionnés, des connaisseurs, des passeurs, les librairies sont des carrefours, des oasis, des ambiances, le livre c’est la Vie : le Corps des libraires parle des livres, des librairies et des libraires à peu près comme la Vie du rail parle des trains, des chemins de fer et des cheminots. On y apprend pas mal de choses dont on oubliera une bonne partie, mais on s’y conforte.
C’est probablement un peu plus riche littérairement que la Vie du rail.
« À partir de la Renaissance, époque où une bibliothèque importante va de pair avec la tenue d’un cabinet de curiosités, le maintien d’un corps de libraires valorise un prince, affirme sa condition de lettré et lui permet de se forger une réputation d’homme éclairé. En un mot, un corps de libraire est signe de modernité. De cette nature ambivalente et ambiguë naît un paradoxe : l’appartenance au corps des libraires devient une charge honorifique. Ainsi, bien que soumis en théorie à l’autorité du maître de librairie du prince, le corps des libraires se militarise peu à peu. Et à mesure qu’il se développe, ses rangs se composent essentiellement d’analphabètes » (p. 42).

Alcofribas
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le 21 oct. 2020

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