Avec "Le Jardin d'Épicure" - titre qui renvoie à l'école philosophique fondée à Athènes par Épicure, dans un simple jardin - Anatole France, récipiendaire du Prix Nobel de littérature en 1921, joue au philosophe, un peu comme je jouais à la marchande quand j'étais petite fille. Pour ce faire, revêtant non pas un tablier mais la panoplie complète du parfait philosophe, il s'évertue à éclairer de ses avis les grands thèmes communément abordés par la Philosophie universelle : spiritualité, éthique, esthétique, politique, enseignement, savoir, histoire, place et rôle de la femme dans la société, ce dernier point se révélant parfaitement édifiant et indigeste de nos jours.
Tout ceci, Anatole France le développe dans un esprit épicurien. Ici j'ouvre la parenthèse et j'en profite pour pointer du doigt la petite confusion habituelle sur le sens de l'épicurisme ; contrairement à ce que l'on croit, il ne s'agit pas de la quête du bonheur par la jouissance immédiate de tout profit et de tout bien mais de la recherche des moyens d'atteindre la paix de l'âme (l'ataraxie). Je ferme la parenthèse, c'était la minute intello.
Revenons à notre pote Anatole. le présent essai se compose de deux parties. Dans un premier temps, c'est une sorte de recueil, florilège de pensées et de réflexions philosophiques, d'anecdotes réelles ou fictives, de maximes et autres considérations personnelles aux allures de dogmes ou de théories plus ou moins scientifiques ou théologiques selon le thème abordé. Côté lecteur, même si le style est accessible, il s'agit quand même de s'accrocher à ses bretelles car l'ensemble donne un sentiment de grand éparpillement.
A noter au passage, un grandiose morceau de misogynie qu'on pourrait résumer non pas par l'éculé "Sois belle et tais-toi" mais plutôt par l'innovant "T'es conne et tant mieux pour tous".
La seconde partie du "Jardin d'Épicure" change radicalement de forme et regroupe des conversations réunissant Descartes, Saint-Augustin, Platon, Bossuet, Ulysse, Aristote, et quelques autres, tous réunis pour un débat philosophique sans grande surprise sur la vie, l'âme et l'immortalité, etc., ou encore l'auteur et Cadmus le Phénicien, reconnu comme le père de l'alphabet et donc, par extension, comme celui de la littérature, et ayant droit à ce titre à tous les hommages.
En achevant ma lecture, j'ai été un peu hésitante sur le sens à lui donner. Quel était le but recherché par Anatole France en exposant ainsi des bribes d'opinions ? Je ne suis pas certaine de tenir la réponse, c'est sans doute pourquoi je reste sur une sensation d'inabouti, peu faite pour enrayer mon manque d'appétence chronique pour la philosophie.