C’est avec un inédit de Hunter S. Thompson que l’on découvre la collection de poche des éditions Tristram. On peut sans doute faire bien pire en la matière, d’autant plus que Thompson est bien entouré pour débuter cette collection hétéroclite, avec Laurence Sterne (la moindre des choses pour des éditions appelées Tristram), Joyce Carol Oates, Mark Twain ou Lester Bangs.

Mais revenons à nos moutons et à ce texte inédit de Thompson racontant par le menu un séjour à Hawaï où il est parti couvrir le marathon d’Honolulu pour un magazine consacré au running. Comme de bien entendu avec Hunter S. Thompson, le sujet a tôt fait de dévier sous l’influence conjuguée des psychotropes, de l’alcool et de la folie mégalomaniaque de l’écrivain. Du marathon d’Honolulu, on saura donc pour l’essentiel qu’il s’agit de gens qui courent et que Thompson s’est contenté de les regarder passer depuis le jardin d’une maison où il est allé voir un match de football américain, les insultant copieusement au passage. Et de se poser la question de ce qu’est devenu l’esprit de contestation des années 60 et 70 :

« Courir pour la vie… le sport, parce qu’il ne reste plus que ça. Ceux-là même qui brûlèrent leur ordre d’incorporation dans les années 60, et qui s’égarèrent dans les années 70, sont désormais à fond dans la course à pied. Quand la politique a échoué et que les relations interpersonnelles se sont avérées ingérables ; après que McGovern est tombé et que Nixon a explosé sous nos yeux… après que Ted Kennedy a chopé le syndrome Harold Stassen du type qui se présente à chaque coup et ne gagne jamais et que Jimmy Carter a déçu jusqu’au dernier de ses fidèles, et après que la nation s’est massivement ralliée à la sagesse atavique de Ronald Reagan.
Ma foi, nous voilà, après tout, dans les Années 80, et l’heure est enfin venue de savoir qui a des dents et qui n’en a pas. Ce qui peut éventuellement, mais ce n’est pas une certitude, expliquer l’étrange spectacle de deux générations de militants politiques se transformant finalement – vingt ans plus tard – en joggeurs.
Pourquoi cela ? »

Une question à laquelle, bien sûr, il ne répondra pas, obsédé qu’il est par une pêche au marlin compromise par une météo exécrable, par l’histoire de la mort du capitaine Cook, par la fabrication de bombes artisanales à partir de pétards chinois et, d’une façon générale, par l’absorption massive d’acides, de cocaïne, de bière et de gin.

Cela donne au final des pages génialement délirantes qui alternent avec d’autres beaucoup moins passionnantes, voire relativement plates et bien souvent répétitives. On y retrouve le Thompson de Las Vegas Parano dans toute sa splendeur, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la voie d’une déchéance qui s’exprime à travers l’égocentrisme de plus en plus prégnant de l’auteur. En fin de compte, ce dont parle Thompson, c’est tout de même surtout de lui. Voilà donc un livre pour les curieux, pour les fans de Hunter Thompson, mais peut-être pas pour ceux qui veulent vraiment le découvrir. À ces derniers on conseillera plutôt la lecture de Hell’s Angels ou de Las Vegas Parano.
EncoreDuNoirYan
4
Écrit par

Créée

le 8 déc. 2012

Critique lue 301 fois

EncoreDuNoirYan

Écrit par

Critique lue 301 fois

D'autres avis sur Le marathon d'Honolulu

Le marathon d'Honolulu
adrock
5

Hunter Thompson en bout de course

J'ai découvert Thompson avec l'excellentissime Las Vegas Parano. Après avoir enchaîné sur un Rhum Express moins bon mais tout de même intéressant, j'ai décidé de m'attaquer à ce Marathon d'Honolulu...

le 25 avr. 2017

Le marathon d'Honolulu
Nonivuniconnu
7

"Je suis Lono !"

En 2012, les éditions Tristram ont eu la bonne idée de publier un récit de Hunter S. Thompson jamais sorti en français auparavant. Le Marathon d’Honolulu, The Curse of Lono dans sa version originale,...

le 11 janv. 2014

Le marathon d'Honolulu
EncoreDuNoirYan
4

Critique de Le marathon d'Honolulu par EncoreDuNoirYan

C’est avec un inédit de Hunter S. Thompson que l’on découvre la collection de poche des éditions Tristram. On peut sans doute faire bien pire en la matière, d’autant plus que Thompson est bien...

le 8 déc. 2012

Du même critique

Shangrila
EncoreDuNoirYan
9

Critique de Shangrila par EncoreDuNoirYan

Après L’heure des gentlemen, le dernier et assez décevant roman de Don Winslow paru en France, on continue à se diriger vers l’été avec du surf. Mais on joue là dans une autre catégorie. Oubliez les...

le 1 nov. 2012

4 j'aime

Oz
EncoreDuNoirYan
9

Critique de Oz par EncoreDuNoirYan

Entre 1997 et 2003, au long de six saisons et de 56 épisodes, la chaîne câblée américaine HBO a immergé ses abonnés dans la prison de haute-sécurité d’Oswald, surnommée Oz, et plus particulièrement...

le 30 oct. 2012

4 j'aime

Wilderness
EncoreDuNoirYan
10

Critique de Wilderness par EncoreDuNoirYan

En 1899, sur la côte du nord-ouest des États-Unis, entre océan, montagne et forêt pluviale, Abel Truman, vétéran sudiste de la guerre de sécession vit seul avec son chien. Hanté par son passé, la...

le 10 févr. 2013

3 j'aime