Le roman sent le Valais suisse, l’herbe fraîche, les années 70 et l’exode rural. On l’ouvre en s’attendant à une histoire douce-amère d’adolescent qui, un été, découvrira l’amour et la mort. Ses trois premières phrases vont dans ce sens : « C’était au mois de juin de l’année 1976. C’était le début des grandes vacances de mes treize ans. C’était l’année de la sécheresse. » On le referme après avoir lu une histoire douce-amère d’adolescent qui, un été, a découvert l’amour et la mort.
Pour faire court, et au risque peut-être que cette critique gâche le suspense, Gustave devient adulte au sens où il commence à éprouver « le sentiment accablant de devoir en permanence [s]e trimballer avec l’intégralité de la réalité de [s]a vie » (p. 140). Sa mère quitte le village, ayant trouvé dans les bras d’une autre l’amour que son mari trop buté, trop taciturne échoue à lui inspirer. Sa grande sœur Léa n’a plus d’yeux que pour les lumières de la ville. Son presque frère Rudy, genre d’animal de somme que dans le village de mes grands-parents on aurait qualifié d’innocent, mourra électrocuté / noyé / assommé, sans avoir trouvé le grand amour. Même Bagatelle finira sa vie de jument sous la forme d’un cadavre gonflé par les gaz…
Il ne faut pourtant pas réduire le Milieu de l’horizon à une sorte de sous-Zola au pays des vaches. L’intérêt de ce récit finalement assez casse-gueule tient au regard que le narrateur / personnage adopte, évitant à la fois le misérabilisme rural, le stoïcisme forcé et le détachement sarcastique. À aucun moment il ne s’apitoie sur son sort, ni ne présente l’été 1976 comme un ensemble de souvenirs édifiants. Seulement, « Je sais que nous [sa sœur et lui] n’aurons plus jamais l’occasion de nous remémorer ensemble un moment aussi ténu » (p. 232 en « Zoé poche »).
Le roman ne semble pas poursuivre d’autre ambition que celle-ci : faire trouver au lecteur le moment précis où un enfant devient adolescent, où le regard change et avec lui le monde, le moment à partir duquel « plus rien d’anormal, hormis ce qui est normalement anormal, n’est survenu chez nous » (p. 209). Peut-être est-ce une gageure, peut-être simplement une question de patience et d’acuité, mais en tout cas c’est chouette. D’autres récits d’initiation (mettons « Le Corps » de Stephen King ou l’Attrape-cœurs) y parviennent sans doute mieux – échouent moins loin du but ? – mais le Milieu de l’horizon se défend bien.

Alcofribas
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le 9 juil. 2018

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