Le défi alimentaire est l'un des des défis majeurs du siècle. Si l'on a tendance à penser que nous vivons dans l'abondance agricole, il s'agit hélas d'une illusion, comme le prouve la crise alimentaire de 2008. Le spécialiste Philippe Chalmin analyse le système agricole actuel et réfléchit aux possibles solutions au problème de la faim. La situation est d'autant plus alarmante que presque 1 milliard de personnes ne peuvent aujourd'hui pas subvenir à ces besoins...
Les points principaux peuvent être résumés de la manière suivante :
- La famine de 2006-2008 n'était pas conjoncturelle (El Nino) mais bien structurelle. Elle révèle la fragilité des pays importateurs en cas de pénurie des stocks excédentaires des pays exportateurs.
- La faim est moteur de révoltes et de migrations. Constatable au XIXe et au XXe siècles, où elle est due aux totalitarismes plus qu'aux mauvaises récoltes. Toutefois, dans les relations internationales, l'utilisation de l'arme alimentaire se révèle être un échec.
- La Révolution verte, qui repose sur l'usage intensif d'engrais, a permis des gains de productivité dans les pays peu développés.
- On peut avec les capacités actuelles nourrir 10 milliards de végétariens (il faut 3 calories végétales pour une calorie de volaille et 7 calories végétales par calorie de boeuf). Or, le pic de population humaine aura lieu vers 2080 et tournera autour de 10 milliards d'humains. Mais comme la végétarisation complète risque d'être difficile, il faut doubler la production actuelle d'ici là.
- Surestimation de la spéculation dans la crise agricole : elle est un symptôme du véritable coupable, l'instabilité, qui est irréductible. Il n'existe pas d'alternative économique convaincante à la spéculation. Les huiles-carburants ne sont pas non plus les coupables, car leur production est dérisoire par rapport à la production agricole totale.
- Les terres arables d'aujourd'hui sont perdues à cause de l'urbanisation. Les quelques terres vierges exploitables suffiront à peine à équilibrer. Et l'utilisation des phosphates est déjà optimisée aujourd'hui… Il faut trouver comment augmenter le rendement.
- Les OGM sont diabolisés en France, mais ne sont pas mauvais en eux-mêmes : ils peuvent permettent d'économiser des phosphates et de l'eau, d'adapter une plante à son environnement. Ils ne modifient pas la nature des aliments et ne présentent pas a priori de risques pour la santé. La 1e génération d'OGM, dirigée par des intérêts mercantiles, est critiquable (Monsanto) mais la recherche génétique est longue bien que prometteuse. Il y a 4 problèmes autour des OGM : leur non-reproductibilité, qui rend les producteurs dépendants et les met à la merci d'un crédit non remboursé ; la réaction inconnue de la nature ; la question de la privatisation et du brevet de semences ; et la question autour des limites de la manipulation du vivant. Le débat mérite d'être international et d'aller au-delà de la dualité pro-anti.
- De tous temps, le modèle agricole le plus efficace reste l'exploitation familiale ou individuelle. Un droit du sol permettrait aux paysans de sécuriser ce mode de vie. Ceci est particulièrement vrai pour les pays du tiers-monde, qui ne reçoivent pas de financement (ni des consommateurs, ni de l’État) autre que l'aide internationale.
Un livre très instructif et synthétique donc, qui, en plus de me conforter dans mon choix de régime végétarien, m'a permis de mieux comprendre le problème de la faim dans le monde, de ses causes jusqu'à ses potentielles solutions. A lire pour sa culture personnelle.