Publié sur L'Homme qui lit :
Les éditeurs régionaux, comme toutes les petites maisons d’éditions, souffrent de leur visibilité réduite dans un marché du livre aussi concurrentiel que prolifique, où les crises de boulimie éditoriales que représentent les sempiternelles rentrées littéraires forcent les maisons d’édition à se livrer à de véritables guerres marketing pour faire vendre du papier, avoir la meilleure visibilité en librairie ou la couverture presse la plus étendue possible. Difficile, dans ce contexte, de réussir à faire connaître ses auteurs. Un constat frustrant, surtout lorsque l’on déniche dans un salon littéraire un livre comme Le murmure des éoliennes.
Paul est psychiatre à Paris, et hérite à quarante-cinq ans d’une maison sur la côte atlantique, léguée par un oncle au même prénom que lui dont il n’avait jusque là jamais entendu parler. Pour ce père de famille divorcé, orphelin de ses deux parents, découvrir si tard que son père avait un frère jumeau ne sera pas sans remous. « On s’est construit sur un mensonge, un manque, et on se met à vaciller » . Dans la maison de l’oncle décédé, ce sont des souvenirs d’une vie qu’il n’a jamais soupçonnée qui l’assaillent, comme cette photo de son père et de son oncle posant de part et d’autre de sa mère, qui l’attend sur le bureau, accompagnée d’une lettre testamentaire sur ce secret de famille.
Mon cœur se met à battre plus vite. Ce n’est pas évident de recevoir un courrier de quelqu’un que l’on n’a pas connu et qu’on ne connaîtra jamais, c’est comme un message de l’au-delà, la lumière d’une étoile morte.
Dans ce village qu’on imagine aisément situé à deux pas du littoral vendéen, Paul ira à la rencontre du souvenir de son oncle, médecin « des familles et des gens seuls » installé là quelques décennies plus tôt, et adopté par tous les habitants. Il y fera la rencontre de Claire, une jeune femme ayant bien connu son oncle, et qui connaît elle-même quelques moments difficiles dans sa vie de famille, sa sœur jumelle et elle devant accompagner un frère schizophrène, comme un volcan toujours au bord de l’éruption.
Ce sera, quelques temps après, son ami d’enfance qui le rejoindra dans la maison atlantique aux murs blancs et aux volets bleus, au pied des éoliennes. Blaise est abattu par une séparation à laquelle il ne s’attendait pas, et c’est auprès de son complice de toujours qu’il viendra chercher soutien et réconfort. Les deux hommes ne resteront pas insensibles aux charmes de Claire, et tandis que tous les trois courent ensemble régulièrement pour préparer le marathon de Paris, un triangle amoureux se dessine au fil des pages, comme une étrange résonance à un passé tenu secret.
La vie est multiple et imprévisible, concrète et rêvée, toujours instable, à construire, à reconstruire lorsque le hasard vient en détruire le fragile ordonnancement. La vie prend un malin plaisir à jouer, à redistribuer les cartes, c’est ce qui fait son drame et sa beauté.
Le murmure des éoliennes fut une très belle découverte, un roman riche de l’expérience de son auteur lui-même psychiatre en Vendée. Je l’ai lu avec beaucoup de plaisir, tant pour ses trois personnages attachants, gravitant autour d’un secret de famille, que pour son écriture enivrante, aussi belle sur la forme que précise sur le fond. Un roman que je recommande fortement, et auquel il faut souhaiter un grand succès.