Je ne suis pas familière de la littérature asiatique et encore moins de la poésie chinoise, c'est donc un vrai voyage qui s'offre à moi à chaque fois que j'ai l'occasion de découvrir une oeuvre qui en est issue.
Avec ce conte anonyme du 17ème siècle, le voyage fut double. Non seulement j'ai dû me projeter entièrement dans la haute société chinoise en oubliant tous les repères de ma propre civilisation, mais j'ai également dû me confronter à mon inculture puisque sont évoquées de très nombreuses légendes fondatrices de la mythologie et de l'identité culturelle chinoises dont j'ignorais tout (un grand merci, au passage, au traducteur pour ses notes aussi instructives qu'indispensables).
Xu Xuan est un jeune étudiant aisé qui s'éprend en songe de sa ravissante voisine. Dans son rêve délicieux, les amants se sont reconnus pour vivre "une félicité de cent ans" et ont échangé en gage de leur amour deux colifichets : une épingle à cheveux en or et un pendentif en jade en forme de poisson. Or, le lendemain, au réveil, non seulement chacun des amants se souvient parfaitement de son rêve passionné mais il trouve de surcroît dans son lit le fameux gage, très réel et pas du tout chimérique. Estimant qu'ils sont destinés l'un à l'autre par les puissances célestes, Xu Xuan et sa belle feront leur possible pour s'unir.
Le conte est très beau, l'écriture est très poétique, avec de nombreux poèmes et chants qui viennent renforcer encore cette dimension éthérée, les descriptions de scènes d'amour sont tout en sensualité et en érotisme sans jamais tomber dans le grivois, et on apprend beaucoup sur l'organisation de la société chinoise polygame. le lecteur occidental aura peut-être un peu de mal à croire en une histoire d'amour mettant à l'honneur à la fois la fidélité et les rapports "connexes" avec les concubines et les autres épouses, mais pour ma part cet aspect du récit n'a fait que renforcer mon dépaysement.