Le Roman du Café, même pour ceux qui n'en boivent pas!
Une couverture aux couleurs agréables, une brillance mettant en valeur la photo, un relief qui donne envie de saisir les grains de café, les caresser, les sentir, un paradoxe lorsqu’on sait que je ne bois pas de ce breuvage…
Alors pourquoi ce choix de livre ? Parce que sa quatrième de couverture m’a laissé entrevoir un voyage dans le temps et l’espace, un enrichissement de ma culture générale et surtout une réflexion sur tous les à-côtés.
Maintenant, voilà ce que j’en pense.
Des recherches et une passion de l’Or Brun évidente. Mon voyage historique et géographique est comblé. Ma faim de culture générale est rassasiée à la fin de la lecture, et le regard sur les aspects et conséquences de l’Industrie du Café enrichie. Le Roman du Café est un trésor d’informations sérieuses, amusantes, surprenantes que je ne pensais pas pouvoir retrouver facilement dans le livre du fait de sa forme romanesque. J’avais donc conservé mes post-it à certaines pages ! Et puis, j’ai eu la délicieuse surprise de voir un condensé des informations en annexe, et même plus ! Délicate attention. Cependant, au cœur du Roman, j’ai adoré l’histoire de la secte soufi (P.39) et celle des trois caféiers en guise de pénitence en Colombie. J’ai apprécié de retrouver d’illustres auteurs comme La Bruyère, Rousseau, en dehors de leurs œuvres autour d’une bonne tasse de café (P.99) ou me retrouver à entendre le signal de la Révolution (P.101). L’Histoire de France est plus que jamais délicieusement servie sur un plateau d’argent. Je suis happée par l’écriture fluide de Pascal Marmet qui, du coup, me fait oublier son propre Roman. Et, en P103, je lui en veux un peu de ne pas avoir fait tout son livre sur ce mode-là finalement. Pas d’histoire romancée, juste l’Histoire. Celle de France, celle de l’Esclavage, celle de l’Amérique Latine,… Celle de l’Homme et sa Passion.
Revenons au présent. Le lecteur est interpellé et renvoyé à son quotidien au deuxième chapitre, et je me suis vue chercher le rayon café pour remarquer le nombre de paquets de dosette, regarder les provenances, les jeux de séduction de certaines industries. (Une citation qui je trouve illustre parfaitement l’ampleur des dégâts : « Je me répète : le café est invisible, ici on est … dans l’idée du café » P.73) J’ai également remarqué la consommation de mes collègues, leur satisfaction, leurs exigences en terme de café, et le syndrome « Nespresso-compatible » (P.75)
J’ai apprécié d’imaginer les procédés de fabrication, de les sentir presque (P.65), ressentir l’envie de m’asseoir et de visiter l’un de ses cafés nommés (P.103).
Parce qu’à propos du côté romanesque, j’ai trouvé la technique un peu bancale, avec des moments où le roman est, comment dire, perdu de vue. Des dialogues qui manquent de naturel, des redondances, une psychologie des personnages un peu superficielle, des revirements de situation un peu exagérés, des à-peu-près dans les autres thèmes (Notamment l’intervention du psychologue avec le Grand-Père. Un hasard qu’elle rentre quand il a besoin, passe encore mais un psychologue français ne prescrit pas de traitements médicamenteux par exemple, ou lors de l’entretien, il ne laisse pas son patient parler uniquement de l’histoire du Café, en tout cas pas pendant TOUTE une séance sans au moins, le faire parler de lui et de ce que ça lui renvoie). Par contre, la prise de conscience de l’auteur se repère facilement lorsque Julien fait la réflexion « Mais c’est important le détail ! Comment veux-tu te situer dans le temps sans restituer, sans rien détailler ? On ne sacrifie pas l’Histoire de France, et encore moins celui de grain noir. C’est tout ou que dalle ! » et que Johanna lui donne une réplique tout aussi piquante !
Je n’ai pas vraiment plongé dans l’histoire. Les personnages sont, à mon goût, un peu trop superficiels. Julien est attachant au moment où il parle de ses émotions liées au café et à son passé mais Johanna m’a déplu dès le premier instant par son manque de naturel. Et si Julien me la décrit en long en large et en travers, pour me dire souvent la même chose, me dit qu’il l’apprécie, il me le dit trop justement, et je n’y arrive pas. Par contre, la critique à propos de la presse, son poids, son impact sur le peuple ainsi que sur l’argent et les escroqueries avec les quelques prises de conscience de Johanna lui amène de la profondeur.
En revanche, le regard sur le handicap visuel est intéressant : La rencontre laisse la place aux autres sens pour découvrir le café. Mais des maladresses sont commises : les réflexes de Johanna qui lui disent de regarder restent néanmoins étranges puisqu’elle le connaît depuis bien longtemps et le fréquente régulièrement. Le fait qu’ils doivent lui demander de décrire aussi. Leur relation semble assez superficielle pour le coup, pas vraiment empreinte d’attentions en lui rappelant sans arrêt son handicap. « Il faut que tu voies ça de tes propres yeux, mon Julien »…
Une autre chose assez redondante au début du Roman et qui entraîne une certaine longueur, c’est la consultation de sa tablette en braille. Le simple fait de répéter plusieurs fois le même procédé nous offre un cours très théorique au final. J’ai d’ailleurs eu peur qu’ils ne partent pas vraiment en voyage. Mais au chapitre 10, je suis rassurée… Julien reste néanmoins hyper connecté pour justifier d’un savoir et d’une connaissance du café tout au long de son aventure. Alors que la conférence fut, pour moi, un excellent moment avec une dynamique, un rythme, un réel échange malgré des informations qui auraient pu être denses et difficiles à engranger… Il n’en est rien !
Le changement de narrateur m’a surprise au chapitre 16, parce qu’il m’a permis de rencontrer le Grand Père. Le Grand-Père… Lui, il m’a touché dès qu’il m’a dévoilé ses pensées. Parce qu’il a cette manière de parler du Café, qui en fait lui permet de parler de sa vie, son passé. Bougon mais pudique, timide, profondément humain. Jusque dans son humour noir, son désespoir dosé juste ce qu’il faut pour ne pas être pathétique. Je l’ai un peu abandonné dans sa rencontre avec la psychologue, trop irréaliste, trop abrupte et rapide, même si je comprend que l’histoire devait avancer pour le bien du Café, mais ses propres réflexions étaient tellement percutantes, pertinentes, touchantes que je n’ai pas trouvé l’intervention de la psychologue judicieuse du coup pour la place qui lui a été accordée. Le Grand Père reste une rencontre émouvante et sa tendresse émane jusque dans sa lettre.
A la fin de ce livre, l’amour du café servi par tout ce que j’ai pu y lire, ce vocabulaire du goût si bien exploité, voilà qu’une chose arrive. J’ai comme l’envie de déguster un vrai café, servi non pas dans un Nespresso-Concept où le café n’y est qu’une idée, mais dans un vrai bistrot. Espérant ne pas être déçue !
Merci au forum Have a Break pour la découverte de ce Livre mais aussi aux Editions du Rocher, qui offre d’autres Romans de ce style.
Merci à Pascal Marmet pour le travail gargantuesque, la recherche d’informations, pour les photos aussi que j’ai été étonnée de trouver au cœur du livre.