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Voici donc la suite des tribulations de la famille de Derk le sorcier, dans ce monde Médiéval Fantasy qui est obligé depuis près de 40 ans de se farcir les pires touristes qui soit: Nous!



Cette fois, les "Pèlerins" sont arrivés, alors que tout semble encore à faire pour Derk et sa famille. La joyeuse débâcle amorcée dans le premier opus prend des tournures bien plus graves dans ce second volet. Quelque chose cloche avec les soldats du "Seigneur des ténèbres", qui semblent échapper aux sorts de contrôle supposés les faire obéir. Quand Blade se voit enfin rencontrer ses pèlerins, ceux-ci semblent peu collaborateurs et même un brin insupportables. Mais alors que tous les acteurs œuvrant au bon déroulement des pèlerinages cumulent les erreurs et les malchances, le jeune apprenti-sorcier Blade découvre que quelque chose de bien plus grave que l'exploitation éhontée des habitants de ce monde se déroule en secret. Alors qu'il collaborait avec un membre de la guilde des voleurs, Réville de son petit nom, pour secourir la jeune pèlerine Sukey, kidnappée par une pelletée de soldats, Blade découvre des mines dont les wagons transportent de "la nourriture pour démon", à destination de notre monde. Un élément qui se vend comme une énergie performante dans notre monde, mais qui risque de causer la perte de ce monde-ci. En parallèle, Derk voit les membres de sa famille disparaitre les uns à la suite des autres et est à deux doigts de renoncer, même si cela coute la colère glaciale du sinistre homme d'affaire qui a la mainmise absolue sur son monde, Monsieur Chesney.



Je me demandais si Dyana Wayne Jones allait réussir à ne pas se mêler dans cet univers aussi dynamique que vaste et à un certain moment, je n'en étais pas bien sur. Il y a encore beaucoup de petits groupes et de personnages qui sont des électrons libres particulièrement mobiles, tous en mouvement et tous liés à des actions à faire bien précises. Il leur faut suivre le scénario, mais ce même scénario n'est pas toujours clair, pour nous, les lecteurs. Je pense par exemple à ces indices qu'il leur fallait trouver et que personne n'a trouvé, au final. Réussir à faire circuler près de 950 touristes à travers un monde aussi vaste relève du tour de force et comme il n'y a que Derk et ses proches pour tout coordonner, franchement, ce n'est pas simple à suivre. On comprend que les touristes doivent minimalement faire quelques actions, comme traverser des villes ravagées, faire une grande chasse, rencontrer l’enchanteresse ( Un pur produit machiste de première catégorie avec des robes échancrées) et battre le Seigneur des ténèbres. Seulement voilà, comme rien ne se déroule comme il faut, tout part en vrille pour les groupes. Ils ne voient pas grand chose au final et se perdent un peu partout. Cette dimension du roman était chaotique, mais en même temps, on comprend que des forces opèrent en ce sens. Si on fait échouer le bon déroulement des pèlerinages, Monsieur Chesney risque de résilier son contrat.



Il y a deux concepts que j'ai trouvés très intéressants: Le premier réfère à l’exploitation, ça on s'en doute. C'est l'élément le plus évident dès le premier tome. Monsieur Chesney gère ce monde comme une entreprise du tiers-monde: avec un absolu mépris pour les travailleurs, une absence totale d'empathie et donnant des conditions de travail discutables, sinon condamnables. En outre, c'est au mépris du monde en lui-même, de ses traditions, de ses croyances et de son bien-être. Pire, on découvre qu'il exploite en cachette des mines qui drainent un élément très important pour ce monde magique, et qui, comme le pétrole, ne se renouvellera pas de sitôt. De manière général, le roman met en lumière des concepts économiques, comme le monopole, l’asservissement, les contrats malhonnêtes, l'exploitation irresponsable des ressources naturelles, la maltraitance des animaux, la restriction aux ressources premières et même une forme de trafic humain. En un mot: Monsieur Chesney abuse de ce monde de toutes les manières possibles, comme un presserait un citron jusqu'à la dernière goutte de jus. Et ce, sans états d'âmes. Un bel exemple du sens des affaires implacable.


L'autre aspect, plus troublant, était que monsieur Chesney profitait de ce monde parallèle pour y faire disparaitre des gens. On les appelait "des sacrifiables". Ils m'avaient perturbés dans le tome 1, parce que sont des touristes qui paient pour y faire un pèlerinage. Alors comment expliquer que certains en mourrait? Et bien, parce que certaines personnes avaient "intérêt" à les voir disparaitre, dans notre monde. Et ces soldats "noirs" qu'on a ensorcelés pour servir de chaire à canon dans le cas des Méchants? Ce sont des criminels de notre monde.Quand même, ça en fait des cadavres! Ce n'est pas surprenant que certains gens "de l'autre côté" aient décidés de venir observer ces voyages de plus près. Reste à savoir de quels personnages il s'agit.



Je réalise que les concepts qui sont employés dans ce diptyque sont plus "adultes" que je le croyais. Non pas que nos jeunes ne peuvent pas y trouver leur compte, mais pour le volet économique et social, je ne pense pas qu'ils y voit grand chose.



Il n'empêche que toute la dimension imaginaire est tout à fait accessible aux plus jeunes, avec ces griffons, ses illusions, ses sorciers, bardes, elfes, nains, démons, etc. Sans parler du côté "quête" des héros et de la diversité des paysages.



J'ai bien aimé qu'il n'y ai pas de "Héro" à proprement parler. Chaque personnage aura ses moments de faiblesses, aura fait des bourdes ou aura lâcher prise. C'est leur collaboration à tous qui aura un réel impact plus que l'action individuelle. Il n'y aura pas eu de batailles épiques, de grands discours ou de cavaliers sur son cheval blancs. Non, c'était plutôt un pauvre papa de famille dépassé, avec ses enfants et son épouse, ainsi que pléthore de personnages allant du bras-cassé au casse-pied, responsables d'un gros bazar dont ils espéraient s'extirper sans trop de casse. En cela, c'était rafraichissant et ça m'aura évoqué les anti-héros qui auront succéder ces deux romans, comme la série audio Reflet d'Acide ou Donjon de Naheulbeuk, devenus des BD.



Au final, le "Terrible Seigneur des Tébèbres" était bien là. Seulement, ce n'était pas le sympathique Derk, qui en portait le titre officiel le temps d'une année, mais bien cet homme d'affaire impitoyable qui a su tirer avantage d'un monde en l'exploitant, monsieur Chesney. Mais il l'apprendra tôt ou tard, quand les gens s'allient, même les pires dictateurs peuvent déchoir.



Pour ce qui est de la plume, je formulerais sensiblement les même remarques que pour le tome 1. On aurait pas dit non à plus de précisions quand à "qui parle", quand, et certains personnages faisaient des commentaires dont il était parfois difficile de savoir de quoi il parlaient. Aussi, je n'aurais pas dit non à quelques explications plus précises à certains moments, surtout avec ce nombre d'axes de personnages à suivre et autant d'éléments qui sont liés. Aussi, une carte du monde aurait été appréciée.



Un sympathique diptyque déjanté et riche en action, qui se sera moqué de certaines conventions et aura mit en lumière le côté vicieux du monde des affaires et du monopole commercial, dans un style assez unique.



Pour un lectorat à partir du troisième cycle primaire, 10-12 ans ( mais sera sans doute plus drôle pour les amateurs du genre Médiéval Fantasy ou de l'univers des jeux de rôle pour les références).



P.S: La couverture est en symbiose avec l'histoire. On peut reconnaitre la très rigide et directive Mlle Ledbury, exactement vêtue, coiffée et parée ainsi. Et que dire de ce repère "ténébreux" sensé être la demeure du Seigneur des ténèbres, aussi ridicule que clichée, avec Écaille le dragon en contre-plan. Bref, une belle couverture qui visiblement a été pensée avec son Histoire.

Créée

le 14 juin 2022

Critique lue 6 fois

Shaynning

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