Des jeunes filles des quartiers populaires, métisses, bisexuelles, en proie au harcèlement et aux discriminations, se frottent à l’expérience souvent douloureuse de grandir dans une société chilienne machiste et inégalitaire. Arelis Uribe écrit pour rendre visibles ces filles de la périphérie, en huit nouvelles mordantes qui saisissent toute la tendresse des instants et la brutalité sociale.
Un extrait :
Quand j’étais petite, avec ma cousine, on s’embrassait. On jouait à la poupée Barbie, à manger de la terre ou à frapper nos mains en chantant. Je passais un week-end sur deux chez elle. On dormait dans son lit. Parfois, on enlevait le haut de nos pyjamas et on jouait à plaquer nos tétons les uns contre les autres, à l’époque ce n’était que deux taches rosées sur un buste plat. On avait toujours été ensemble. Nos mères étaient tombées enceintes à deux mois d’intervalle. Elles nous avaient allaitées en même temps, changées en même temps, on avait eu la varicelle en même temps. Il était presque évident que plus tard on habiterait ensemble et qu’on jouerait à la dînette et à la poupée, cette fois dans la vie réelle. Je croyais que ce serait toujours elle et moi. Mais les adultes abîment tout. (« Ville inconnue »)