C’est ainsi que leur attaché de presse définissait les Beatles et le lien extraordinaire qu’ils avaient créé avec le public de différents milieux et différentes générations, malgré une fin amère et des rancoeurs durables entre les 4 membres. Mick Jagger les appelait, lui, « le monstre à 4 têtes », entre admiration évidente et un fond de jalousie vis-à-vis de ses compères. Cette biographie de Frédéric Granier, journaliste et écrivain, parmi les très nombreuses que l’on possède, a plusieurs avantages. Elle est d’abord très agréable à lire, complète et solide avec beaucoup de références. Elle est aussi loin de l’hagiographie à laquelle on est souvent confronté dans ce genre d’ouvrage. Oui, les Beatles étaient un groupe génial, révolutionnant la musique populaire du XXe s, mais tout ce qu’ils ont sorti ne l’était pas : vu la régularité des sorties imposées par leur maison de disques, ils ont parfois été tentés de céder à la facilité en faisant du remplissage comme pour la musique de Yellow Submarine dans laquelle ils ne se sont presque pas investis, faute d’envie et de temps. Heureusement, Hey Bulldog rattrape le coup avec talent (le meilleur titre de cette BO et de loin !). L’auteur cite aussi Maxwell’s silver hammer, figurant sur Abbey Road, du pur McCartney mais chanson détestée par les 3 autres musiciens qui ont passé un temps fou dessus selon la volonté de Paul. Même George Martin ne la trouvait pas au niveau du reste de l’album…Attention quand même, ces morceaux un peu plus faibles seraient logiquement considérés comme des chefs d’œuvre par beaucoup d’autres artistes ! Un des passages les plus passionnants est celui où l’auteur tisse un lien entre des chansons de différentes périodes, chacune nous décrivant une certaine réalité sociale à travers des personnages, des petites chroniques quotidiennes qui sont un genre très britannique : il part d’Eleanor Rigby, sublime chanson de Macca en 1966, qui raconte avec beaucoup de talent l’histoire d’une vieille fille pour la relier aux Two Sisters des Kinks (1967) avec les 2 sœurs jalouses, puis Tracy Jacks de Blur en 1994, une chanson sur l’alcoolisme et la solitude. Et enfin, il termine comme une boucle avec le sublime Jenny Wren de Macca en 2005, où Jenny a le cœur brisé par une histoire d’amour. On comprend tout de suite à quel point ces études de caractères (qui n’ont pas été inventées par les Beatles mais ces derniers ont contribué à en populariser le genre) sont un fil directeur pour montrer l’influence et l’héritage des Fab Four. Dernier avantage de cet ouvrage, il est parfaitement d’actualité puisqu’il inclue dans son analyse aussi bien le documentaire Get Back sorti fin 2021 et réalisé par Peter Jackson que les différentes éditions deluxe en coffrets onéreux qui sont sorties de leurs albums, jusqu’à la dernière, Revolver, en 2022. Frédéric Granier se sert de ces éditions pour fans pour en étudier les bonus souvent passionnants afin de comprendre comment le groupe travaillait en studio. N’attendez aucune révélation fracassante vu la masse de livres qui existe sur le groupe, mais j’ai quand même appris quelques anecdotes dont le mystérieux voyage entre Brian Epstein et John Lennon à Barcelone en 1963 qui continue de faire couler de l’encre ou encore les 1ères paroles de Something (« Something in the way she moves » 1969) que George Harrison a « empruntées » à une chanson de James Taylor datant de 1968 (je n’y avais jamais fait attention !!!). Au final, une très bonne biographie pour découvrir ce groupe incomparable. Les fans absolus qui connaissent les Beatles sur le bout des doigts risquent de rester un peu sur leur faim. Un groupe dont Paul continue en 2023 de faire vivre l’héritage sur scène en reprenant même depuis quelques années des morceaux écrits par John et George et qui est entré dans la culture populaire du XXe siècle. Depuis 2009, les Beatles ont même fait l’objet d’un jeu vidéo, Rock Band ! On peut finir en citant Paul avec pas mal d’humour qui répond à ses petits-enfants : « Écoutez, vous me battez peut-être à Rock Band, mais moi, j’étais sur les albums de l’époque. Alors fermez-la » 🤣