On connaît les éditions XO, c'est Christian Jacq, Max Gallo et compagnie : de la saga historique grand public écrite au kilomètre par des professionnels du genre, programmée pour devenir best-seller. Même si de manière générale ce n'est pas trop ma tasse de thé, je n'ai rien contre la littérature de gare : elle a au moins l'intérêt et l'avantage d'être reposante à lire, parfaite pour se détendre les neurones entre deux lectures plus ardues... Hélas ! Ce n'est pas le cas ici, et mes pauvres neurones ont beaucoup souffert à la lecture de ce "Disque de Jade".
Ce n'est même pas une histoire de goûts et de couleurs, d'aimer tel style d'écriture complexe et raffiné ou tel autre plus simple et direct : en l'occurrence l'auteur "écrit faux", de la même manière qu'on joue faux ou chante faux. Ah, ces phrases de cinq ou six lignes où s'enchevêtrent trois ou quatre propositions, sans une seule virgule ! Et ces dialogues où la moindre réplique est systématiquement plombée par un "dit Machin sur tel ton, en faisant ceci et cela" ! Et ces redites, et ces lourdeurs ! Devoir reformuler mentalement plusieurs phrases par page pour les rendre lisibles, avoir envie d'être sous Word pour pouvoir supprimer ou remplacer des mots, voire des passages entiers... voilà qui est loin de ma définition d'une lecture "détente" ou "plaisir".
On ne soupçonnera pas l'auteur de méconnaître son sujet. José Frèches n'est pas le premier péquin venu : énarque, patron de presse, conservateur de plusieurs musées, il est également un sinologue reconnu. Mais cette lecture a confirmé ma théorie selon laquelle il est bien plus facile pour un écrivain de donner l'illusion d'être calé sur un sujet précis, que pour une personne calée sur un sujet précis de donner l'illusion d'être écrivain.
Plein d'enthousiasme et, sans doute, de naïveté, je m'étais procuré les trois tomes d'un coup : environ 1700 pages de "lecture facile" sur un sujet — la Chine ancienne — qui me passionne, cela allait passer tout seul ! Pourtant, après avoir péniblement achevé la lecture de ce premier tome, et consulté de nombreuses critiques annonçant une suite encore plus fastidieuse, je dois me rendre à l'évidence, l'histoire se poursuivra sans moi. Au moins ne suis-je pas trop frustré de ne pas aller au bout de la trilogie, connaissant déjà le destin des principaux personnages — car je fais confiance à l'auteur pour s'en tenir à la vérité historique : Yiren et Zhaoji deviendront les parents du Premier Empereur, et Lubuwei, après avoir assuré la régence du royaume, tombera en disgrâce, remplacé par Lisi...