L'idée, aussi absurde qu'originale, est digne du maître incontesté du calembour et de la contrepèterie. Celui-ci s'y investit avec enthousiasme et décomplexion et, appelant un con un con, revient sur le fait qu'on est toujours celui d'un autre. Malheureusement, à égrainer les vérités sur les cons le long d'un intrigue qui n'est là que comme support, il finit par se heurter aux limites de l'exercice. On s'en rend vite compte, ce hors-série ne dépasse pas le cadre de la tentative d'épuisement d'un jeu de mots. Or, même San-Antonio, malgré son adresse pour le trait d'esprit et sa capacité à élever celui-ci au rang des beaux arts, finit par tourner en rond et par ouvrir en grand la porte aux blagues attendues et aux jeux de mots un peu faciles sur les cons.
Toutefois, l'auteur, qui a plus d'un tour dans son sac, fait baigner dans cette histoire de Con des personnages qui s'y comportent au naturel et ont même rarement autant paru à leur place. Tous y interviennent, Berthe et son amant, Félicie, Achille, tous. La langue est parfaite, les digressions nombreuses et inattendues, à l'image - s'il ne fallait en retenir qu'une - de celle dans laquelle il propose "le rebectage des chefs-d'oeuvre en péril par absence de crédibilité". Jean Valjean envoyé en prison pour avoir volé un pain ? Bah, San-Antonio replâtrerait bien cette version en le condamnant plutôt "pour braquage de banque avec défuntage du caissier" ou dessoudage de pompiste. Et Emma Bovary. "A qui tu feras croire qu'elle a mené une vie pernicieuse alors qu'elle ne s'est farci en tout et pour tout que deux amants, ce que la femme d'un cadre moyen se paie par semaine et celle d'un P.-D.G. par jour en nos temps de belle reluisance." Tout un programme...
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