A Vienne, dans les années cinquante, quatre adolescents s’associent, pour dévaliser et agresser des passants. Rainer, le leader, tout comme sa sœur Annie, se réfugient dans l’intellect, justifient à coup de citations et de théories leur attirance pour la violence. Hans, le fils d’ouvrier avide de s’élever dans la société, est toujours ramené à ses origines prolétaires et à sa force physique, tandis que Sophie, dernière du quatuor, trouve dans ces violences un exotisme social qui la sort de son milieu bourgeois. Tirée d’un fait divers, le récit explore une société autrichienne incapable de sortir de la violence de la seconde guerre mondiale, ni d’offrir des valeurs aux enfants de ceux qui y ont trempé. La narration multiplie les jeux d’échos et de symétrie entre les personnages pour mieux montrer que cet échec est inéluctable pour eux. L’écriture de Jelinek, acerbe et ironique, plonge le lecteur dans un flux continu de voix, qui s’entremêlent, se reprennent et se déconstruisent, qui en définitive ne sont plus l’expression d’une individualité, d’une opinion, mais des squelettes de pensées auxquels on se raccroche lorsque la société n’a plus rien à offrir. Contrairement aux récits issus d’un fait divers, Jelineck ne tombe pas dans la veine facile de la leçon de morale, de la démarche explicative, mais fait le choix du ressenti pour mieux exposer l’expression d’une noirceur qui est là, présente, et qui ne peut que croître.