Pauvre Claude Seignolle, 93 ans en 2010, quasiment oublié, plus édité à part chez Phébus (merci à cette maison qui sait rééditer les œuvres un peu perdues mais pourtant dignes d'intérêt), qui pourtant est un grand auteur fantastique, que je place aux côtés de ses pères Maupassant et Poe. Sans doute est-il arrivé trop tard, à une époque ou le fantastique avait disparu pour laisser place au réalisme (au revoir les démons, d'autres monstres plus réels sont apparus au XXème siècle : guerres, crises, chômage...), et parce que la poésie des légendes et folklores du terroir français n'intéresse plus le grand public, plus friand de l'horreur moderne d'un King...

Car, au travers de ces trois tomes constituant l'intégrale des courts romans et nouvelles de l'auteur, il faut bien reconnaître que prédominent les croyances populaires du bas-peuple : la paysannerie française de la Sologne et de la Bretagne servent de trame à un bon paquet de nouvelles, seul le troisième tome, La Nuit des Halles, prend place dans un cadre urbain.

C'est avec une plume admirable que Seignolle nous entraîne dans ces courts récits fantastiques. Cette vie paysanne, faite de malheurs, de superstitions et de malédictions, prend vie dans la tête du lecteur. Les métaphores sont très soignées, les dialogues authentiques, certains passages s'apparentent presque à de la poésie en prose tant ils sont jolis. Seignolle arrive à rendre crédible cet univers campagnard finalement pas éloigné, mais pourtant tellement différent, où la rationalité n'existe pas.

J'insiste vraiment sur cette écriture tellement fine, imagée, et juste. "Ma plume est comme une charrue qui laboure les mots." Le lecteur en vient à s'interroger sur la part de réel dans ces récits, témoignages de croyances païennes que le christianisme n'arrive pas à supplanter totalement. Ici la magie existe, ici on craint les vieilles ruines et reliques romaines, on frémit en passant devant certains bois dans lesquelles frémissent encore de sombres légendes...

On regrettera la breveté de certains récits, et la répétitive qui émane du tout et peut entraîner une certaine lassitude. Pour ma part, je déguste ces tomes petit à petit, ma préférence allant au tout premier.

Trois recueils admirables. On croirait lire les derniers vestiges d'un monde en friche, qui disparaîtra avec l'auteur. Vous voulez avoir peur ? Lisez Claude Seignolle.
LeChiendeSinope
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le 19 nov. 2010

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