Difficile de faire le tri parmi les innombrables romans plus ou moins autobiographiques qu’on pourrait regrouper dans la catégorie « littérature de pensionnat ». Du Roi des Aulnes à l’Enfant, de Battling le ténébreux aux Amitiés particulières, de l’Enfant de chœur à Sébastien Roch (respectivement de Tournier, Vallès, Vialatte, Roger Peyrefitte, Étiemble et Mirbeau), ce sont toujours un peu les mêmes éléments : éducation qui mêle exploitation et dressage, fil des jours pour unique voyage et froissement de draps. Comme les Plumes du coq est un roman belge, on y ajoutera cette question royale dont la page Wikipédia est si mal faite. Ici, c’est le personnage principal qui raconte son quotidien au collège de Saint-Trudon, la postface de la collection « Espace Nord » se chargeant d’expliquer les liens entre narrateur et auteur.
De même qu’il existe, défini par une approche universitaire de la littérature, un romantisme noir, on pourrait rattacher les Plumes du coq à un surréalisme noir. Je veux dire que le roman fait subir au cauchemar ce que le surréalisme a pu faire subir au rêve. Une partie de son intérêt, d’ailleurs, provient précisément de ces surgissements épisodiques d’une monstruosité incertaine et tapie. Ainsi est présenté « l’Époux », figure d’un Christ jamais nommé à laquelle les pensionnaires doivent une obéissance inconditionnelle ; or « l’Époux est partout : sous mon lit, dans les corridors, dans la salle de douches, dans le poulailler » (p. 30). Il me semble difficile de résumer en des mots plus marquants ce que l’auteur a à dire sur ce que peut être une éducation catholique dans la Belgique d’après-guerre…
Comme dans un certain nombre des romans évoqués ci-dessus, à la dimension religieuse du récit se mêle le thème de l’éveil des sens – un éveil plus ou moins forcé et plus ou moins détourné par les adultes. Dans les Plumes du coq, rien n’est jamais explicite, mais tout est transparent. Ainsi, « l’Époux » apparaît-il en rêve (?) au narrateur : « L’époux descend sur mon lit, s’y installe comme un coq sur un perchoir. Il écarte son vêtement de plumes ; apparaît un corps inondé par une pluie de larmes, bleui. Ses joues, sa poitrine, son ventre ruissellent, sa peau luit, sa hanche toujours étonnamment droite s’éclaire d’un long fil de lumière d’eau. / – Tu n’as pas fait ta prière, gémit-Il. / […] Ses pleurs ont trempé les couvertures, les draps, le matelas. Le lit goutte comme un feuillage sous une averse ; une flaque se forme sous le sommier, s’élargit, baignant mes genoux, mes pieds, faisant dériver la bassine, mes souliers, mes chaussure. L’humidité gagne mes cuisses, les racines de mon corps me font tout à coup l’impression d’enfler ; un trouble nouveau ou tellement ancien que j’en ai perdu la mémoire s’empare de moi. » (p. 123-124).
Pour finir, il ne faudrait pas perdre de vue que l’amour – corps et âme, garçon et fille – constitue la principale préoccupation du narrateur, et donc le sujet central des Plumes du coq. Ainsi, ce n’est pas parce que c’est un roman d’initiation que c’est tout tracé, ni parce que c’est un roman d’amour que c’est niais.

Alcofribas
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le 10 juil. 2017

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