En achevant la lecture de ce huitième tome d'une saga qui en compte le double, j'arrive non seulement à mi-parcours mais surtout au point de non-retour. Et bien que l'auteure n'ait pu réellement prévoir ce crescendo émotionnel puisqu'elle n'a pas écrit les tomes dans l'ordre narratif, c'est indéniable, ce tome marque définitivement l'appartenance ou non du lecteur au clan Whiteoak. Si le lecteur n'a pas été ému par les drames qui se nouent et se dénouent entre ces pages, alors il peut en rester là. Pour les autres dont je suis, pour ceux qui auront ri et pleuré, ils sont marqués au fer, ils iront jusqu'au bout !
Si ce commentaire vous semble un brin dramatique, c'est justement parce que la dimension dramatique s'intensifie avec "Les Whiteoak de Jalna". Est-ce de les avoir déjà côtoyés sur plus de deux mille pages ? Plus sûrement qu'à cette familiarité acquise, le lecteur doit son engouement au style incroyablement vivant de Mazo de la Roche. Dans mes chroniques des tomes précédents, j'ai peu abordé ce point mais il faut à présent que je rende hommage à la plume brillante de l'auteure.
Mazo de la Roche a créé un univers avec pour cadre un décor de nature farouche enchanteur. Son récit est très équilibré entre descriptions et dialogues, donnant un rythme extraordinaire à la saga. Les dialogues sont enlevés et vifs (comment vous décrire le fluide vital qui court tout au long des nombreuses scènes de querelles familiales !) et les descriptions jamais ennuyeuses. Sous la plume de Mazo de la Roche, la moindre coccinelle, le plus innocent souffle de vent, la plus banale des vaches au pré prennent un relief, une vie et une personnalité phénoménaux qui se fondent dans un ensemble cohérent, parfaitement construit du point de vue narratif, et superbement romanesque.
J'ai atteint avec joie le haut de la montagne que constitue cette saga familiale, j'ai couru au sommet, je me jette à présent dans la descente en rempilant pour huit autres tomes, avec au cœur la crainte d'arriver trop vite en bas.