Je me rappelle d'Ingrid, toute petite dans Les Invisibles, avec cette belle scène décrite quand elle courait, pleine de jeu et de joie, vers les épaules de son papa qui avait simulé ignorer, en questionnant son épouse, où elle était cachée.
Dans Les Yeux Du Rigel, la guerre est finie. Nous sommes en 1946. Ingrid est désormais une femme adulte qui, ici, dans cette aventure, est bien déterminée à retrouver son amant russe naufragé, Alexander, qu'elle a recueilli et soigné dans le livre précédent, Mer Blanche. Et pour cela, elle va devoir quitter son île de Barrøy pour sillonner la Norvège continentale par sentiers, routes et chemins de fer. Elle va faire des rencontre au fil des indices et des témoignages de personnages qui auraient rencontré Alexander, le père de sa fille, Kaja, qu'elle emmène dans son châle dans une campagne norvégienne montagneuse, boisée, bucolique et estivale. Et on la suit volontiers, à travers sa volonté et ses yeux pour pouvoir imaginer les paysages magnifiques qu'elle traverse, jusqu'à son but final, jusqu'à sa libération des questions qu'elle se pose au sujet de son Alexander et de ce qu'il a pu devenir, dans une Norvège morcelée par les effets d'un conflit mondial qui ont affecté et divisé les populations selon des agissements passés divergents, mais aussi de ce qu'a laissé l'armée allemande derrière elle, ...
... notamment lorsqu'on découvre l'existence d'un camp de concentration qui entassait prisonniers polonais et russes, certains encore présents et peu enclins à retourner chez eux où le monstrueux Staline considère les prisonniers comme des traîtres.
Roy Jacobsen, traduit toujours par Alain Gnædig, a ce style d'écrire de longues phrases descriptives qui se manifestent comme des scènes entières dont certaines sont très belles, voire émouvantes notamment vers la fin.
Les Yeux Du Rigel figure comme un road movie norvégien d'après-guerre où le personnage principal, cette femme forte qu'est devenue Ingrid, fait preuve d'un courage admirable loin de sa vie insulaire habituelle au milieu de paysages que l'on imagine superbes.
J'ai bien aimé !