C'est complètement par hasard que j'ai découvert Alexeï Apoukhtine, auteur russe grand ami de Tchaïkovski. Poète, nouvelliste et romancier, et noble de naissance quoique pauvre - fait courant en Russie -, il a côtoyé la bonne société de Pétersbourg et fut à même d'en brosser les traits caractéristiques à travers ses écrits.
C'est à cet exercice qu'il se prête notamment dans "Les archives de la comtesse D.", un roman épistolaire regroupant les lettres reçues par la comtesse D., femme du monde, mais non pas ses réponses. C'est donc à travers les seuls regards croisés de ses correspondants que l'on découvre un pan de la société russe dans toute sa diversité et ses us.
Sous des dehors légers, ce roman au rythme enlevé aborde les thèmes classiques du roman sociétal (famille, richesse, position, mariage, différences de classes, adultère...) tout en témoignant d'une certaine actualité comme, par exemple, la lutte fratricide entre Moscou et Pétersbourg, respectivement les emblèmes de la vieille garde patriarcale et de la jeune ville artistique. La religion et le mysticisme sont les deux grands absents de ce roman, fait inhabituel dans la littérature russe du XIXème siècle.
Le verbe d'Alexeï Apoukhtine est frais et très agréable. L'auteur a su donner à chaque épistolier un style qui lui est propre tout en gardant une cohérence au récit qui n'échappe pas à un certain aspect cocasse proche du vaudeville.