Les collèges fantômes : un coup de maître .
Les livres de Jean d'Aillon sont un peu comme le mousse au chocolat : quand on a commencé , il est difficile de s'arrêter . les collèges fantômes ne dérogent pas à la règle .
Les contexte est celui des années 1620 à Paris , avec une unité de lieu digne des tragédies classiques de cette époque .Le collège de Clermont ( actuel Lycée Louis le Grand ) tenu par les Jésuites est au coeur d'une intrigue contre Louis XIII et son remarquable "premier ministre" Richelieu . Deux collégiens brillants et audacieux : Louis Fronsac et Gaston de Tilly vont contribuer à la déjouer .
Un des paradoxes de cette époque classique est en effet la coexistence d'esprits brouillons , médiocres et agités face à l'élégance épurée de ce temps .
Jean d'Aillon nous décrit en effet avec une réelle virtuosité un véritable panier de crabes : Université de Paris acharnée contre les Jésuites , les "Grands" , c'est à dire une partie de la haute noblesse acharnée contre Louis XIII et Richelieu , parti des Espagnols avec Anne d'Autriche et parti de Rome contre la France et goût pour l'intrigue contre affrontement réel de la belle complexité .
Pendant le règne de Louis XIII , les complots contre le roi et son premier ministre , celui que Alexandre Dumas nommera plus tard le Sphinx rouge vont se multiplier .Celui décrit dans le livre : la fameuse conspiration du Comte Chalais de 1626 n'est que le premier d'une longue série .
A cette époque , la France est la première puissance mondiale . Louis XIII a eu en effet le mérite de choisir Richelieu et de l'appuyer dans les moments difficiles . A la différence de Louis XVI qui ne savait pas choisir .. et a largement vécu sous le coupe de Marie Antoinette , il a su écarter sa mère peu capable , Marie de Médicis , lors de la célèbre journée des Dupes en 1630 tout autant que sa femme Anne d'Autriche qui ne se cachait pas de préférer la cause espagnole aux intérêts de la France .
Richelieu , un de mes personnages historiques préférés , "main de fer dans un gant de velours" a fait beaucoup de bien au pays et , chose rare , saura recommander Mazarin au roi qui lui même on le sait saura recommander en son temps Colbert à Louis XIV .
Il n'était pas ce qu'on appellerait aujourd'hui un vulgaire politicien , ni même un homme politique , mais un grand homme d'Etat . D'une santé fragile , il travailla jusqu'à la limite de ses forces pour le bien du pays , ou en tout cas ce qu'il croyait sincèrement être le bien du pays . Prince de l'Eglise certes , mais plus encore grand serviteur de l'Etat , plus conseiller du roi que cardinal conseiller du pape .
Cette époque en effet , n'est pas comme on le croit trop souvent uniquement celle d'un certain arbitraire royal . Elle savait tout autant reconnaître ce qu'on appellerait aujourd'hui le soft power : la puissance d'influence et de persuasion .
Conseiller , Richelieu savait lui même s'entourer de grands conseillers , ceux pour lesquels d'ailleurs on a inauguré l'expression "d'éminence grise": le père Joseph qui joue un rôle important dans les collèges fantômes .
Jean d'Aillon , a manifestement lu Alexandre Dumas sans que cela ne nuise à son propre style .Une autre mérite du livre est de nous décrire la vie quotidienne au collège de Clermont dans ces années là .
La cape et l'épée sont bien là et l'on s'en régale . Je crois qu'Antoine Blondin , le hussard , qui préfaçait si bien les Trois Mousquetaires quand ce n'était pas le Tour de France , eût adoré .