Précisons au départ que Les derniers jours de Marlon Brando est un roman, une rencontre imaginaire entre l'auteur, Samuel Blumenfeld, et l'acteur de légende durant les derniers mois de sa vie, où ce dernier a envie de se confier à ce journaliste qui a franchi des murs et des portails pour le rencontrer.
Mais la particularité est que si ce qu'on lit est du domaine du fantasme, les éléments biographiques sont justes, en particulier sur l'importante documentation qui a servi pour reconstituer la fin de vie de Marlon Brando, qui avait atteint les 140 kgs, et restant dans son lit avec des tuyaux dans le nez à voir ses films en boucle, souffrant d'une insuffisance respiratoire qui l'emportera le 1er Juillet 2004.
Au-delà de la fascination du narrateur de rencontrer cet homme si secret, qui détestait sa célébrité, regrettant la disparition de son anonymat depuis le début de sa carrière dans les années 1950, et qui avait horreur de l'étalage de sa vie privée, c'est ensuite le dégout de le voir si gros, si affaibli, assez aigre sur sa propre légende, rejetant 99% de ses films. Dont il avoue que la plupart ont tous été tournés pour l'argent, car soit il devait payer des pensions alimentaires, régler un divorce, financer son atoll à la suite du tournage des Révoltés du Bounty, et ainsi de suite, jusqu'à se ficher totalement de ce dans quoi il jouait, pourvu que ça payait bien. A ce titre, le récit du tournage de L'île du Docteur Moreau est assez drôle, imposant au réalisateur John Frankenheimer de jouer ... avec un seau à champagne sur la tête ! D'ailleurs, sa dernière apparition publique, à un concert de Michael Jackson en 2001, sera facturée 1 million de dollars pour quelques secondes sur scène.
Brando revient non seulement ses amitiés, mais aussi sur ses amours (qui ressemblent plus à des emmerdes), et ses enfants, dont le drame survenu avec sa fille Cheyenne, qui s'était suicidée en 1993. On apprend aussi qu'au début des années 2000, toujours dans le but de gagner de l'argent, Brando faisait des sortes de masterclasses à des acteurs, dont un certain Leonardo DiCaprio qui en ressort humilié, et il avait le projet de vendre des autographes sur un site Internet. D'ailleurs, ce qui touchait au jeu vidéo l'intéressait aussi, car un de ses tout derniers travaux fut de doubler Don Corleone dans la version vidéoludique du Parrain, où il sera payé une fortune pour quelques répliques, qui ne seront d'ailleurs pas utilisées dans le jeu car la santé de Brando fut si mauvaise que la captation de sa voix était médiocre.
Comme tout bon livre, ça se lit à toute vitesse (environ 250 pages), on sent l'auteur grand fan de l'acteur, qui fut un personnage hors-normes, et cette réalité sous couvert de fiction, ou l'inverse, a quelque chose de captivant. Mais aussi de tragique sur la déchéance physique et morale d'un homme qui avait tout pour lui, mais qui a cédé assez jeune, dans tout les sens du terme, à ses pulsions. Qu'elles soient charnelles, alimentaires, au prix de sa santé...
Après, on peut s'étonner qu'un film comme Apocalypse Now ne soit pas évoqué, se concentrant plus sur Sur les quais voire tout un passage touchant sur Le dernier tango à Paris, où Brando semble s'être livré comme jamais, mais ce roman est de très bonne tenue.