Macédoine, après l'ère soviétique. La scène d'ouverture montre un petit groupe de vieux attendre la camionette qui leur amène du pain chaque semaine. Ils ont le sentiment d'être abandonnés du monde : leurs enfants ne viennent jamais les voir, et les seuls moments auxquels ils se retrouvent sont les enterrements, pour lesquels les dons sont de plus en plus chiches, les terres partant lentement à l'abandon. On suit une galerie de personnages, leur déchéance physique et spirituelle progressive. Oui, on fait plus gai.
- Tsara Petrevska, une veuve qui n'a pas sa langue dans sa poche, mais refuse de se remarier avec Trajan Endekovski, qui n'est même pas amoureux de cette vieille carcasse mais ne supporte plus la solitude.
- Kovilka Patchevska, victime consentante des mauvais traitements que lui inflige son mari, un débile mental doublé d'une bête en rut.
- Ognen Kezarovski, un vieillard inusable sans domicile fixe qui continue à faire le saisonnier et semble étrangement résister aux outrages du temps.
- Solunka Zengova, orpheline qui vit en marge du village, a eu trois enfants d'un père mystérieux et que l'on surnomme "La louve" à cause de racontars idiots.
-Goché, l'idiot du village.
- Teofil et Varvara Guechkov, couple qui essaie de résister aux usures du temps et a peur de savoir qui partira en premier. Mais l'accumulation des déceptions (enfants qui promettent de venir mais ne viennent pas, exil du seul fils présent, Alexo...) aura raison de Varvara, dont la longue déchéance physique entamera le roc qu'est son mari, un accro du travail.
- Alexo Guechkov, garde-forestier, qui tue deux de ses supérieurs qui essayait de violer la mère de ses enfants, Solunka. Il vit ensuite en cavale, revenant parfois voir sa femme, avec le soutien de tout le village.
J'ai retrouvé chez Andreevski des éléments de la poésie de Patrovski : un goût pour la souffrance physique sans doute lié à l'imaginaire orthodoxe ; des notations sur le temps, les plantes, les animaux d'une précision irremplaçable, couplés à une tendance à faire ressortir le symbolique derrière les sons, les lumières, les gestes, la température, etc... Egalement un attrait pour le rêve et l'hallucination, la vraie hallucination qui vous fait douter de votre identité même.
C'est donc un roman intéressant pour entrer dans la culture macédonienne, mais je n'ai pas non plus dit qu'on avait là un chef d'oeuvre. Il y a un trou scénaristique vers la fin (comment le message de Solunka a-t-il été falsifié ?), et ne vous attendez pas à de grandes révélations ou critiques sociales à portée universelle : this is all about Makedonia. De plus, bien que je ne connaisse pas la langue, le travail de traduction m'a semblé laisser à désirer : nombreuses coquilles, mais aussi des passages d'oralité, voire de vulgarité qui me semblent sonner trop contemporain pour refléter l'intention initiale de l'auteur (mais je peux me tromper).