L'histoire made in Brittain

Obnubilé par son affirmation, à juste titre, que l'histoire enseignée se concentre trop souvent sur l'histoire des 800 dernières années de l'Europe, Frankopan essaie de démontrer avec un brio très variable que le cœur de l'histoire du monde se trouve depuis que l'histoire existe en Asie. Démonstration difficile à tenir dès les premiers chapitres lorsqu'il se voit obligé de reconnaître que le cœur palpitant des routes premières routes de la soie se trouve d'abord en Grèce (d'Athènes à Alexandre le Grand) et non pas dans les steppes mongoles. Grèce qui a façonné l'intellect du monde que celui-ci soit chrétien ou bouddhiste (chose amusante tout en refusant ce constat, l'auteur ne fait que démontrer cet état de fait page après page).

C'est une vision anglosaxonne de l'histoire du monde que nous offre Peter Frankopan dans cet ouvrage. Il est amusant de voir que la France est citée 68 fois dans l'ouvrage (souvent d'ailleurs pour être conspuée), tandis que l'Angleterre est citée plus de 240 fois (merci le control F). La petite colonie normande qui de toute évidence a joué un rôle majeur à compter du 15ème siècle dans le monde eurasiatique n'est pas grand-chose dans ce dernier jusqu'au 15ème siècle (période où la réalité des routes de la soie devient plus une construction littéraire que réellement historique en raison de l'ouverture des routes maritimes) alors que la France est la première puissance démographique d'Europe jusqu'à la révolution française (troisième pays le plus peuplé au monde à l'époque de Louis XIV) et a joué un rôle colossale dans le façonnement de ces routes (Lire René Grousset).

Son approche des croisades est d'une binarité toute anglosaxonne et doit faire rire tous les orientalistes s'étant intéressés quelque peu au sujet...

L'exercice périlleux de faire rentrer 3500 ans d'histoire dans 600 pages (hors notes) oblige à faire des choix qui rapidement font apparaitre au grand jour les choix idéologiques de l'auteur. Ainsi le monde antique mérite apparemment deux chapitres mais les 60 dernières années (bienvenue dans le monde anglosaxon) méritent trois chapitres. Les compagnies des indes orientales britanniques et hollandaises voient leur existence traitée en 15 pages, mais la question du pétrole Anglo-Iranien un chapitre entier. Les malheurs du peuple juif (sans grand rapport direct avec l'histoire des routes de la soie si ce n'est à compter du 15ème siècle) est régulièrement abordé tout au long du livre, mais l'empire Sogdien qui a contrôlé et permis le maintien de ces routes pendant 500 ans est à peine abordé. La conquête d'Alexandre le Grand à son tour fait l'objet de quelques paragraphes, mais l'auteur s'étire ad nauseam sur les considérations de l'état-major d'Hitler concernant la conquêtes de l'Europe de l'Est...

Ce dernier a un intérêt dans la mesure où les notes de bas de pages sont une mine de référence pour qui s'intéresse au monde eurasiatique et à celui des steppes (bien que les auteurs cités soient parfois moyennement pertinent).

Toutefois pour ce qui est des peuples des steppes et des conséquences de leurs invasions sur le long des routes de la soie, lisez René Grousset ou Gérard Chaliand, vous perdrez moins de temps.