Les tifs
7.1
Les tifs

livre de Charles S. Wright (1966)

New York, années 60. Lester le métis se lève un matin bien décidé à prendre son destin en main. Ras le bol d’être mis au rebut à cause de sa couleur de peau. Première étape vers la gloire, se lisser les cheveux. Avec ses nouveaux tifs aux bouclettes soyeuses, Lester se voit enfin comme quelqu’un d’autre, l’égal des blancs, celui à qui tout va sourire, travail, amour, argent et célébrité. Commence alors une odyssée hallucinée dans les rues de Big Apple où le bellâtre va trimbaler sa dégaine auprès d’une faune pas piquée des hannetons, du travesti surjouant son rôle de drama queen à l’acteur célèbre tombé au fond du caniveau et sortant tout juste de prison en passant par une prostituée vénale et un producteur de disques véreux.


Second volume de la trilogie new-yorkaise de Charles Stevenson Wright (après « Le Messager »), « Les tifs », publié en 1966, est un texte inclassable, à la fois pamphlet et satire acide d’une population noire et métissée dont les rêves de réussite et d’égalité ne pouvaient qu’être un jeu de dupes voué à l’échec. Un roman boycotté à sa sortie par la critique, considéré aujourd’hui comme un chef d’œuvre et qui entraîna son auteur vers une chute inexorable, réduit à la pauvreté, détruit par l’alcool, sombrant dans l’anonymat le plus total jusqu’à sa mort dans un hospice du Lower East Side.


C’est simple, il y a tout ce que j’aime dans ce roman. Une plongée à la marge directe, terrible, violente, désespérée, portée par un cynisme tranchant, un humour noir dévastateur et une succession d’événements surréalistes tirant souvent vers l’absurde et frôlant parfois l’hystérie. C’est cash, sans fioriture, tout son sauf consensuel. Le cri de colère d’un écrivain enragé et d’un narrateur perdu entre fantasmes d’une vie meilleure et lucidité face à une réalité sans pitié : « Je m’imaginais que ma chance allait tourner. Est-ce qu’elle avait tourné ? Non, la vie me tenait toujours par les couilles et m’injectait des lavements empoisonnés dans le cul. » Ou encore « On s’en prenait à moi depuis si longtemps. Une mètre cinquante-cinq pieds nus, soixante-trois kilos tout mouillé. L’air d’un gamin, avec une démarche de marin à terre, un visage typiquement métissé : un Américain issu d’un pot de chambre bouillonnant, fruit d’au moins cinq races différentes copulant par deux ou trois comme dans une partie de chaises musicales ».


Un roman qui transpire l’urgence, irascible, affûté comme une lame. Typiquement ma came.

jerome60
8
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le 13 mai 2016

Critique lue 239 fois

jerome60

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