Publié sur L'Homme qui lit :
Même si vous ne l’avez jamais lu, vous avez forcément entendu parler du roman d’Herman Melville, Moby Dick, grand roman américain de la moitié du 19ème siècle aujourd’hui vendu à des millions d’exemplaires de part le monde, et adapté une nouvelle fois au grand écran en 2015 par Ron Howard sous le titre « Au coeur de l’océan » (In the Heart of the Sea). Vous avez d’ailleurs le droit de connaître le titre de Melville, de savoir qu’il s’agit du récit de la chasse du légendaire et éponyme cachalot blanc, et de ne jamais l’avoir lu. C’est mon cas, bien que le roman soit dans ma bibliothèque, et je n’en dors pas moins bien.
Ce que vous connaissez moins, dans l’ombre de ce roman dont le succès vint tardivement, c’est qu’il a peut-être été inspiré, ou peut-être simplement été impulsé par un autre récit contemporain de Melville, celui de Jeremiah N. Reynolds, Mocha Dick ou la baleine blanche du Pacifique paru en France en 2013 aux éditions du Sonneur.
C’est de cet homme au destin incroyable dont il est question dans le très beau livre de Christian Garcin, de lui, de ses aventures, et de ses vies multiples. Jeremiah Reynolds a pour lui l’avantage d’avoir vécu ses rêves dans un monde qui permettait aux plus téméraires de les poursuivre, lui qui est né en 1799 et mort cinquante neuf ans plus tard, laissant derrière lui les souvenirs d’une vie haute en couleur.
Il se fit connaître aux côtés de John Cleeves Symmes Jr. lors de conférences qu’ils donnèrent à travers les États-Unis à propos de la théorie de la terre creuse, espérant lever les fonds nécessaires au lancement d’une expédition qui emmènerait ces nouveaux aventuriers vers le pôle sud, à la recherche de ces immenses passages donnant accès au monde souterrain. Après bien des déboires, et après avoir argumenté devant le Congrès américain, Reynolds réussit à partir à l’assaut de ces terres de glace. En vain.
Survivant à l’hostilité d’un climat pour lequel il n’était ni préparé ni équipé, il fera escale au Chili, où il combattit tel le Yankee Comandante pour la révolution, avant de combattre aux côtés de tribus indigènes. Il voulu mettre sur pied une chasse au cachalot blanc, Mocha Dick, avec un ancien chasseur de baleine qui lui faisait le récit de ses aventures, desquelles il tira son seul et unique livre. Il passa quelques années sur différents navires, dans différentes expéditions, avant de rentrer aux États-Unis où il reprit ses études de droit et devint avocat, avant de mourir paisiblement dans l’ancienne maison d’Edgar Allan Poe, accompagné de son épouse.
Le destin de cet homme inconnu est extraordinaire, et Christian Garcin réussit à raconter ses multiples péripéties sans jamais ennuyer, transcrivant avec brio cette formidable aventure que fût la vie – les vies ? – de Jeremiah Reynolds. Un livre passionnant qui fait parti des cinq titres en lice pour le Grand Prix RTL-Lire 2016 et à qui je souhaite beaucoup de succès.