Je recommande fortement ces lettres de prison à ceux qui auront lu et aimé les Deux Etendards.
Rebatet, enfermé à Fresnes et attendant sa possible condamnation à mort, y évoque son labeur tout le long du jour pour retoucher son manuscrit, y ajouter des centaines de pages, recoller les bouts entre eux. Cela donne des passages que j'ai trouvé très jouissifs à propos du travail de l'écrivain et de la création d'une œuvre.
L'autre plaisir est de voir Rebatet parler de ses lectures du moment, grâce aux livres et revues que Roland Cailleux ou sa femme Véronique lui fournissait, ou qu'il pouvait trouver à la bibliothèque de la prison : Sartre, Camus, Proust, Stendhal, Steinbeck, etc.
Enfin c'est un témoignage historique intéressant vu de l'intérieur sur ces collaborateurs déchus de l'après-guerre, avec notamment son récit de la cocasse nuit de Pâques 1947 qu'il vit comme sa dernière nuit, persuadé qu'il sera exécuté le lendemain.
Avec une certaine mauvaise foi assez typique d'un discours de fasciste (bien qu'il n'évoque presque pas la question politique dans l'ensemble de cette correspondance), il soutient que s'il était lui-même de son temps pour la censure et l'emprisonnement, c'était au nom de l'Ordre, alors qu'il ne peut supporter que sa censure et son emprisonnement à lui se fassent au nom de la "Liberté".
Et malgré ses sept années de prison, il apparait dans ses dernières lettres que le plus grand martyre de Rebatet fût le silence accueillant la sortie de son livre, œuvre de sa vie.