voilà un livre qui fait partie des livres qui me touchent toujours.: impossible d'y rester insensible, à moins d'être "désâmée" (d'avoir perdu son âme si je reprends le mot de Pauline en 1892).
Il est épuisé hélas mais j'ai eu la chance de me l'offrir en occasion (merci web !)
la première fois que je l'ai lu, ce fut à la Bnf (Bibliothèque nationale de France) dans la partie réservée aux "Chercheurs" et j'avais commencé à transcrire certaines parties :


Lettre n°4 de Renée Vivien à Kérimé (p.41) :
"Ma chère et désirable princesse lointaine, votre lettre m'a toute charmée. Vous êtes comme une fontaine mélodieuse dans un jardin plein de lourdes roses... Et comme je vous aime à travers votre mystère !
Je vous lis, comme on écoute murmurer une musique limpide. Je me laisse enchanter jusqu'à la souffrance... Il me semble que je vous entends parler avec lenteur, de votre chère voix qui rend harmonieuses les plus simples paroles...
Parlez-moi encore ... Et laissez-moi m'enivrer de vous - de ce vous lointain que j'aime sans le connaître...
Vous êtes l'Inespérée. Avec quelle humble gratitude je vous remercie d'être venue ainsi à moi, avec toutes vos roses, avec tous vos parfums...
Je vous rêve, mystérieuse dans votre mystérieux jardin... mais je n'ose vous imaginer car vous êtes l'Inimaginable.
... Je n'ai point encore reçu votre portrait... avec quelle passion avide je vous contemplerai. Il me semble qu'en regardant ainsi votre image merveilleuse, je vous aimerai de plus près.
Ne craignez aucune indiscrétion de ma part. Je n'ai point d'amis hommes... Il n'y a point d'amitié sans estime et jamais je n'ai rencontré un homme que j'aie pu estimer...
Je vis en sauvage, presque en solitaire... En dehors de mes professeurs, je ne vois que trois amies. Je ne parle point de la très chère qui est près de mon coeur. Celle-là est l'âme même de ma solitude.
Mes trois amies sont de très vieilles amies. Je les aime d'une sincère et calme affection. Jamais je ne les ai aimées d'amour.
Vous avez compris quelle amoureuse amitié me lie à Eva... C'est pourquoi je ne vous en parlerai point plus longuement... Quant à Vally, la maîtresse perfide et chère, l'amante incertaine, je ne l'ai point vue depuis plus de deux ans... Elle est mon douloureux et suave Passé. Je l'aime encore par le souvenir, à cause des merveilleuses souffrances qu'elle m'a données autrefois.
... Il me semble que, par une loi fatale, les larmes et les souffrances sont plus proches de la volupté que la joie et les sourires...
Vous m'avez murmuré ces paroles de votre voix d'âme, ma très chère... Comme elles sont belles et profondes ces paroles que vous m'avez sanglotées tout bas ! Et que je vous suis reconnaissante d'être vous-même, ardente et mélancolique, éprise de nostalgies et de chimères...
... Mais il faut répondre à vos questions de petite princesse curieuse du monde qui se déroule de l'autre côté de son jardin mystérieux... La photographie que je vous ai envoyée est, en effet, la reproduction d'un pastel de Lévy-Dhurmer.
Vous avez deviné juste ; j'ai des cheveux blonds : mes yeux sont bruns, je le regrette car vous devez aimer les yeux bleus... N'est-ce pas ?
A mon tour de vous poser une question, toujours la même : comment avez-vous découvert mon adresse à Paris... Ce problème m'obsède, me préoccupe et m'inquiète quelque peu...
Je suis à Londres pour quelques jours encore. Puis je vais à Bayreuth et de là en Allemagne. Je vous enverrai des cartes postales afin que vous puissiez me suivre dans mon voyage et voir les beaux pays où je passe.
Ô ma très chère, si vous saviez comme vous êtes près de mon coeur...
Je vous écrirai plus longuement un autre jour... Mon temps m'est parcimonieusement mesuré aujourd'hui. Je songe fervemment à vous, ô la plus chère des amies lointaines et suis vôtre par la pensée.
Renée Vivien"


N'est-ce pas une belle écriture ???

Marc_Dit_ShamBonvalo
10

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Créée

le 13 nov. 2015

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