Les deux premières parties des Lettres de suicide – pourquoi, d’ailleurs, avoir déformé le titre original : Notes on Suicide ? – constituent une sorte de dissertation un peu laborieuse visant à montrer que le suicide n’est pas condamnable. Comme la plupart des démonstrations d’ordre moral ne font changer personne d’avis, l’auteur évitera délibérément la morale : « j’espère avoir montré que les arguments pour et contre le suicide fondés sur la notion de droits ou de devoirs commencent à tomber en miettes » (p 52).
Les deux parties suivantes apportent un peu de variété : il s’agit d’y évoquer, sous un angle psychologisant, des dernières lettres de suicidés célèbres ou non. L’écrivain Édouard Levé tient plus ou moins lieu de fil rouge, alors que d’autres suicidés célèbres y figurent – Virginia Woolf, Hunter S. Thompson – et que le propos n’évite pas toujours les poncifs.
Philosophe britannique, Simon Crichtley propose ici une approche plus pragmatique qu’intellectuelle, c’est-à-dire qui correspond assez bien à la façon dont le monde anglo-saxon contemporain envisage la philosophie – et probablement les sciences humaines en général. Autrement dit, c’est un regard qui pourrait ressembler à celui que les philosophes de la Rome antique, par exemple, portaient sur la vie, à ceci près qu’on est ici plus proche d’une (pseudo-)psychologie pas toujours convaincante.
On arrive à l’autre défaut des ces Lettres de suicide : l’absence de généralisation. (Je ne parle pas d’une absence de généralisation quant aux motifs qui peuvent pousser à se suicider : une telle absence est dans ce cas une qualité, les bonnes raisons de se suicider – ou pas – ne manquant jamais à quiconque veut en finir – ou continuer.) Lorsque l’auteur utilise le pronom on, il faut comprendre l’homme occidental des classes moyennes dans les société postindustrielles, si bien que le volume perd nécessairement de sa portée.
Ajoutons – toujours l’approche anglo-saxonne ? – un manque de précision lexicale, auquel la traduction n’est peut-être pas étrangère. Quand je lis « ce sont des limites qui doivent être comprises avec réflexion et avec compassion, en se servant de ces deux simples outils que sont l’empathie et l’introspection » (p. 17), je me demande encore en quoi la « compassion » et « l’empathie » sont deux notions véritablement différentes, en quoi l’introspection pourrait être un outil quand la réflexion n’en est pas un.
Un court essai de David Hume, auquel Crichtley se réfère dans le sien, sert de postface à l’ouvrage. Intitulé Du suicide, il m’a paru plus intéressant…

Alcofribas
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le 4 sept. 2017

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