Publié en septembre 2015 aux éditions Verdier, en même temps que «Entre les deux il n’y a rien», écriture de la mort d’une époque politique et du refus de la résignation, ces «Lisières du corps» se composent de six textes courts où Mathieu Riboulet, à l’orée de la découverte d’un objet de désir, dit cet égarement de l’esprit qui chavire devant la splendeur d’un corps qui se déploie, devant la perfection d’un mouvement ou d’une courbure, quand l’horizon tout à coup se resserre, autour des promesses d’un corps neuf ou d’un geste somptueux et aveuglant.
«On n’est jamais rien d’autre qu’os et muscles, nerfs et eau, on est délimité, contenu par la peau, on n’en sortira pas, sinon les pieds devant, mais parfois on convie le corps à un festin, à des grand-messes de sport, à des rituels d’amour, histoire d’en repousser, pour un temps, les limites, parfois on le confie à la poussée d’un autre pour que la pensée bâille et un instant s’efface, c’est comme une illusion lucide si l’on veut, on est bien, tout est tiède, on a déjà pleinement contenté le regard, maintenant on donne au corps matière à disjonction, on renvoie la pensée, on a payé, on est bien.»
Rencontres et fantasmes, désir inabouti dans un hammam d’Istanbul avec un masseur turc, fascination pour l’image d’un homme torse nu, saisi, ironique et souriant, par le photographe Pierre Hybre, corps multiples entrelacés dans un sauna de Cologne, hommage au corps d’un ami disparu, l’auteur célèbre les corps masculins et le surgissement du désir, dans ces textes courts étrangement apaisés, malgré la crudité et la violence souveraine des attractions.
«Il n’est pas désagréable, certes, mais il fait partie du personnel, d’une part, et d’autre part on a suffisamment à faire pour se familiariser avec le lieu et ne pas d’emblée s’égarer dans les délices de la pulsion scopique à laquelle, dans les hammams plus que partout ailleurs, on donne libre cours, surtout lorsque les corps qui le peuplent ne sont pas corps courants, habituels, corps pratiqués de longue date, mais corps neufs, bruns, sombres, résolument hors codes occidentaux balisés.»
Dans ces six courts récits, Mathieu Riboulet semble mener un combat serré avec le langage, comme un corps à corps, pour saisir les instants lumineux qui se dérobent, l’apparition vertigineuse du désir érotique, qui permet de «sortir du corps, le survoler comme en mourant tant le désir nous aura balayés, ou nous y ensevelir au point que nous n’avons plus rien pour nous y raccrocher». Splendide.
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