Lune captive dans un oeil mort par JeanPaulChance
Insatiable Pascal Garnier – Lune captive dans un œil mort
Pascal Garnier est le dernier d'une longue liste d'écrivains formidables que j'ai découvert depuis que j'ai recommencé à lire. Pete Dexter, Joe R Landsale, Joseph Bialot, Harry Crews, Jean Amila, Tim Willocks...et des tas d'autres. J'ai choisi le bouquin d'après le pitch, jamais entendu parler de ce type...Faut dire que je ne lis ni journaux ni magazines, que j'ai vendu mon téléviseur, et que je suis connecté au web depuis peu. En plus de ça, je déteste parler aux libraires. Sont plus flippant qu'un dealer de crack de la plaine St Denis au crépuscule. Alors, ça commence plutôt bien, par une préface de Jean Bernard Pouy mon héros (J'échange un Pouy contre cent Le Clezio, et un demi Jonquet (Vampire, par exemple) contre un million d'Ormesson). JB en est. Rassurant. Je me lance... Un couple de retraités s'installe dans une résidence pour séniors1 du sud de la France. Promesses de soleil, clôtures et sécurité. Odette et Martial se retrouvent sous une pluie d'automne, pionniers, piégés dans ce trou perdu entouré de garrigue. Triste réalité d'humide solitude. Mais le printemps revient, avec lui le soleil et de nouveaux arrivants. Tout rentre dans l'ordre... Sauf que... Les résidents des « Conviviales » sont un peu vieux, un peu malades, vraiment cintrés. Maiquevatildoncadviendre? Angoisse.
Lune captive... n'est pas un polar, c'est du pur roman noir. Pas d'intrigue à résoudre, pas de suspense, pas de gentils ni de méchants, pas de police, pas de privé, pas de truands ni de tueur. Juste un quintet vieillissant, un gardien mutique et une animatrice adepte du THC. C'est un climat qui s'instaure, implacable, plongée vertiginante dans les eaux trouble de l'intime. Ce sont des gens normalement particuliers, qui ont fait des choix, vécu des drames, travaillé, rêvé, aimé. Lune captive... c'est l'histoire d'une dissolution, cinq individus qui voient leurs existences ployer puis disparaitre sous le poids d'une entité transcendante, la tribu (des séniors2) et son territoire ("les conviviales). Un loft story sans caméras, édition retraité.
Un roman qui se lit vite et bien. Une écriture minutieuse qui sert le récit. Aucune frime stylistique. Souvent drôle, parfois féroce, toujours bien vu. Pascal Garnier est mort en 2010, je le rencontre à peine. Il est, à mes yeux, comme un nouveau-né, plein de promesses. Merci à lui d'avoir laissé une trace.
Du tout bon qui fait plaisir.
1: Sénior, le mot le plus laid de la langue française, tellement symptomatique du totalitarisme douceâtre dans lequel nous mijotons.
2: Maman, avant d'être mort, j'voudrai pas être un sénior. Alors qu'est c'que tu veux faire? Je sais pas moi, grabataire.
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