First Blood John Rambo
Neuf euros et quatre-vingt-dix centimes, voilà ce qu'il m'en a couté pour devenir l'heureux propriétaire du dvd John Rambo. Pour le même prix, j'aurai pu repartir avec Vampyr de Dreyer, ou Picpocket de Bresson. Et bien non, j'ai choisi John Rambo. Il faut dire que le soir, dans mon pieu, juste avant de dormir, j'aime regarder des films qui font pas trop mal à ma cervelle de pigeon. Le repos neuronal du penseur fourbu, en quelque sorte. Le pire, c'est que je l'avais déjà vu, John Rambo, au cinéma. Il faut dire que le soir, dans une salle de cinéma, j'aime bien regarder des films qui font pas trop mal à ma cervelle d'oiseau mouche. Le repos neuronal du penseur fourbu, en quelque sorte... Je suis souvent fourbu de l'intellect, quand j'y pense, et c'est pas souvent, que j'y pense. De toute façon, c'est la faute à Hou Hsao Hsien, tout ça. Mais ceci est une autre histoire, que je ne manquerai pas de vous raconter dans une prochaine chronique de Les fleurs de Shanghai, approximativement le plus beau films du monde.
Le premier épisode de la série Rambo s'intitulait First Blood, une expression guerrière désignant celui ou ceux qui déclenchent les hostilités lors d'un conflit. Premier sang versé. Un film très regardable au demeurant, traitant d'un sujet qui faisait sens au regard de l'histoire contemporaine des Etats Unis, le traumatisme de la défaite au Vietnam et la difficile réinsertion de ses vétérans (on aime pas les loosers en Amérique). Bon, tout l'attirail Rambesque est déjà là, le couteau, les muscles, le bandeau, les cicatrices (physiques et morales), et les répliques qui tuent "J'pouvais les tuer j'pouvais tous les tuer, toi aussi j'pourrai te tuer. En ville tu fais la loi mais ici c'est moi! Me fais pas chier! Me fais pas chier ou j'te fais une guerre comme t'en a jamais vu! Laisse tomber! Laisse tomber!"... Mais c'est avec Rambo: First Blood part II que tout part en couille. Un film ultra revanchard, parfaitement manichéen réactionnaire. Johnny s'en va en guerre (au Vietnam) pour finir le boulot, et devient une icône de l'Amérique façon Ronald Reagan. Puis vint Rambo le troisième, le First Blood a définitivement disparu du générique, la meilleure défense c'est l'attaque, on touche au sublime. John J fait la nique aux Ruskoffs et se fait pote avec les Moudjahidines Afghans, un vrai Robin des bois avec son arc et ses flèches missiles. De l'action saupoudrée de philosophie Starbucks... Ils auraient dû confier la mise en scène à Leni Riefenstahl, possible qu'en ce moment même, nous chanterions tous en cœur, avec le bonhomme en plastique qui ressemble à Michel Sardou « Si les Rebeu n'étaient pas là, on serait tous Américains... ».
Euh... Je m'égare... Et John Rambo le film dans tout ça? Je dois dire qu'au cinéma, c'est plutôt impressionnant, on en prend plein la gueule, du sang surtout. C'est dans ce genre de situation que l'on mesure le temps qui passe (et pas seulement à cause du visage bouffi de Sly). 20 ans, exactement, se sont écoulés depuis Rambo III, et les techniques d'effets spéciaux ont considérablement évolués. Certaines scènes de combat sont d'une apparence stupéfiante de réalisme, s'agissants des impacts de projectile, des corps déchiquetés, des membres (ou des glottes) arrachés. En conséquence de quoi, c'est à peine si je me souvenais de l'histoire lorsque je suis sorti du cinéma. C'est assez flippant de constater le pouvoir que peuvent exercer des images, leur influence sur notre psyché et les possibilités de manipulation que cela induit. Sur le principe, ce n'est pas nouveau, pourtant, le degré de sophistication technologique est tél qu'il devient difficile de distinguer le vrai du faux. En vérité je vous le dis, on est dans la merde.
Tout ça pour dire que j'étais passé à côté du (quasiment) seul mérite de ce film, son contexte. Le récit s'articule autour du génocide Karen. Les Karens font partie des nombreuses minorités qui peuplent la Birmanie, entrés en conflit avec la junte Birmane ils ont été, et sont peut-être encore, victime de mesures de rétorsion qui relèvent de la volonté d'exterminer. On ne peut pas dire que ça ait souvent fait la une du 20 heure. Difficile de savoir quelle est exactement la situation aujourd'hui tant les informations sont rares. A ce propos, en faisant quelques recherches sur les Karens, je suis tombé sur un article édifiant qui traitait de la merveilleuse entente du groupe Français Total avec la junte Birmane (une histoire de pipe-line), et du fait que Total avait embauché cette petite salope de Kouchner pour qu'il fasse un joli rapport les dédouanant. Bernard, je pense que tu vas avoir droit à ton bottage de cul très prochainement.
Je digresse. Je digresse et on en viendrait presque à oublier pourquoi on est là. Alors, John Rambo serait-il un film engagé? Faut pas exagérer quand même! Le traitement est à ce point simpliste (limite débilitant) que le propos perd tout son intérêt. Il convient de préciser que le film est scénarisé et mis en scène par Sylvester lui-même. Autant dire que, nonobstant le réalisme des effets spéciaux et le facies ratatiné du héros, on se croirait dans un mauvais film des années 80. La direction d'acteur est lamentable et toutes les scènes de dialogue sont ridicules. Le méchant (version mutique et pédophile de Zaysen, celui de Rambo III) est un parfait archétype de fourberie et de cruauté. Enfin, comment ne pas succomber à la puissante rhétorique portée par ce film: « Quand vous y êtes poussés, tuer est aussi facile que respirer ». Sidérant. Je dirais que l'on atteint un niveau de nullité totalement spectaculaire. Il est évidemment plus facile de le constater à la suite d'une seconde vision, en dvd, sur le modeste écran 15 pouces de mon ordinateur. John Rambo est le quatrième est, prions le ciel, dernier opus des aventures de cet ancien militaire d'exception, car, et oui, c'est lui qui le dit: « J'ai toujours cru que la meilleure arme c'était l'esprit »