Si seulement je n'avais pas lu Robinson...
Il y a des livres dont on regrette l'ordre dans lequel on les a découvert. J'aurais préféré lire d'abord ce livre de Ben Bova, puis la trilogie de Mars, car la comparaison n'est pas flatteuse pour ce livre assez bon au demeurant.
Une équipe de douze scientifiques débarque sur Mars pour une mission de deux mois, avec une équipe de rechange en orbite au cas où. C'est un projet international : il y a les Russes, dont le chef de l'équipe au sol, Vosnesensky, qui ne jure que par le règlement. Il y a le docteur/psychologue, Anthony Reed, un charmeur manipulateur qui veut se faire la biologiste/chimiste Joanna Brumado, fille de l'instigateur du projet, Alberto Brumado. Et il y a le héros, Jamie Waterman, un Indien ajouté à la dernière minute, qui est géologue. Je passe sur les Japonais, Indiens et la Française en second rôle. Sur Terre, il y a aussi la copine de Jamie, Edith Elgin, qui compte bien utiliser leur situation pour monter dans une grande chaîne de TV, et le grand-père indien truculent, Al Waterman.
Les chapitres, plutôt courts, alternent le déroulé de l'expédition (avec une chronologie en Sol martiens), des flashbacks sur la jeunesse des protagonistes, toujours aux moments cruciaux, et enfin les réunions sur Terre, qui restituent le contexte international. Un plan classique. L'action est lente à démarrer, mais il y a une scène de sauvetage classique mais efficace à la fin.
Le roman est censé se passer en 2020. Et la comparaison avec la trilogie de Robinson, regrettable mais inévitable quand on l'a lue, est peu flatteuse pour Ben Bova : l'auteur se donne beaucoup de mal pour que l'on s'identifie à Jamie (quel nom pourri). On a droit à pas mal d'introspection, et en détail les états d'âme des personnages.
Et c'est là que ça coince. Cette équipe est censée être composée de scientifiques chevronnés. On nous prédit qu'ils vont devoir tout donner une fois arrivés sur Mars. Mais Bova ne développe jamais vraiment leur démarche scientifique, et fait porter l'accent sur leurs états d'âme. Résultats, on a l'impression de personnages blasés, qui font leur boulot et se demandent s'ils n'ont pas une ouverture avec leur voisin(e). Si j'étais sur Mars, je ne penserais pas à autre chose. Alors oui, il y a des drames à caractère scientifique : la déception face à la veine de cuivre qui ressemble à du lychen, l'amertume de Patel qui voit son expédition sur Olympus raccourcie. Mais Bova ramène toujours cela à un phénomène psychologique. C'est la frustration plutôt que le contenu scientifique qui l'intéresse vraiment.
Par comparaison, Robinson fait vraiment de la hard-science : il postule un environnement international plus plausible que celui de Bova ; il imagine jusqu'au plan des vaisseaux, jusqu'aux innovations probables à l'horizon de la découverte de Mars. Chez Bova, les scientifiques ont encore des imprimantes dans leur Rover, et pas trace d'internet. Même les passages sur Mars même sont moins fouillés que Robinson : je n'ai rien appris que je ne savais déjà.
Il y a pourtant de bonnes idées scénaristiques, comme cette épidémie de scorbut involontairement déclenchée par une fuite dans le dôme qui déclenche une suroxygénation qui altère les pilules vitaminiques. Mais même la fin fait trop "happy ending".
Pour résumer, le livre pêche plutôt par manque d'originalité que par un vrai problème de forme. Oui, pour en profiter, j'aurais vraiment préféré lire d'abord ce roman, puis la trilogie de Robinson.