De part et d'autre des Pyrénées de l'Ouest, il est un peuple méconnu et fier. Méconnu, car ses origines plongent dans la perplexité les ethnologues les plus aguerris. Indo-européens, caucasien ou... atlantes ? Les racines basques sont encore inconnues à ce jour. Et que dire de leur langue, l'une des plus ancienne au monde avec le sanskrit et dont la structure ne peut être rattachée à aucun autre langage ? Peuple fier, car ils revendiquent leur terre depuis si longtemps. Eux, contrairement à d'autres régionalismes plus ou moins virulents, n'ont jamais attendu une quelconque prospérité pour s'émanciper d'un giron national. Non, les Basques aiment leur terre et la veulent indépendante, à nouveau.
Loin de moi l'idée de faire ici un panégyrique des mouvements indépendantistes basques. Non. Mais il convient de vous situer le décor de ce roman fantastique de Philippe Ward qui se déroule dans le milieu des indépendantistes basques. Philippe est auteur, découvreur de talents et aussi responsable des éditions « Rivière Blanche », au catalogue riche en littératures de l'imaginaire. Pour bien faire les choses, ce sont les éditions Aïtamatxi, un éditeur basque, qui diffusent « Mascarades ». Il y a tant de choses à dire de Philippe, mais en ce qui concerne cet ouvrage, il se passionne pour ce Pays basque, voisin des terres où il est né, et essaye d'apprendre ardemment cette langue étrange qui peut sembler bien hermétique aux plus estimables des linguistes.
Son héros se prénomme Mikel et est libraire. La librairie est son activité officielle, car dans l'arrière-boutique il est Itzal, un indépendantiste connu pour ses positions pour la négociation et la trêve de l'action armée. Une rencontre se prépare avec des représentants du gouvernement espagnol pour avancer un peu plus vers cette indépendance tant espérée. Les tenants de la lutte armée ne sont pas enthousiastes de voir la diplomatie peut-être réaliser ce que la guérilla n'a pas pu concrétiser.
Tout commence par le meurtre sauvage d'un garde civil espagnol par une créature de paille qu'on est plus habitué à voir se pavaner lors des carnavals ou des mascarades des fêtes traditionnelles basques. La tension monte, mais ce n'est qu'un début, car des modérés basques vont aussi être tués par ces créatures. Mikel va croiser leur route et va dénouer cette affaire en risquant sa vie, mais c'est le prix de la paix durable pour sa cause sacrée.
« Mascarades » nous invite à une plongée dans les traditions basques, ses créatures mythiques, ses enchantements, ses chants d'hommes et ses makilas martelant le sol aux pas de ces hommes fiers. Partant des anciens qui fondèrent ce peuple, Philippe Ward construit une histoire passionnante où l'action se mêle aux réflexions politiques des mouvances indépendantistes. Ces tergiversations entre courants, le grand nombre de personnages importants pour ce récit ainsi que les termes et noms – imprononçables pour le béotien que je suis – peuvent être des handicaps à la lecture. D'un autre côté, le lecteur passif ne vit pas l'histoire. Lire c'est aussi un travail de l'esprit et une bonne lecture demande un minimum d'efforts de la part du lecteur. Au moins pour qu'il en garde une petite trace. Certes, ce roman ne recèle pas de rebondissements extraordinaires, mais est agréable par le style simple et vivant de l'auteur. De même, l'attachement à cette terre et la richesse culturelle que ce livre véhicule ne laisseront pas le lecteur indifférent. Un bon roman, une belle lecture.