C'est au petit matin que j'écris cette chronique de "Matins à Jalna", second tome de la série dans l'ordre narratif mais dernier à avoir été écrit... sur les seize qu'elle compte ! Je suis curieuse de comprendre comment Mazo de la Roche a construit sa saga sur près de trente ans, y intégrant des préquels à de nombreuses reprises.
Dans ce tome-ci, le couple phare formé par Philippe et Adeline Whiteoak est toujours présent mais légèrement en retrait pour laisser la vedette à sa progéniture. Les quatre enfants Whiteoak, plein de vie et de facétie, m'ont enchantée par leurs prises d'initiative qui ne sont pas sans rappeler "les bonnes bêtises de mon enfance", moi qui juge souvent lymphatiques et oisifs les enfants que je fréquente. Evidemment, dans une fiction, il est plus facile de fuguer que dans la réalité !
Autre enjeu de ce tome qui, comme ses confrères, peut se lire indépendamment de la série, tel un roman d'aventures : la Guerre civile américaine, dite de Sécession. Les Whiteoak accueillent chez eux, en Ontario, un couple de Sudistes, esclavagistes chassés de leur plantation et fuyant le conflit ; une opportunité pour l'auteure d'aborder la question de la condition humaine et les mutations d'une société américaine en plein déchirement.
Le lecteur retrouve également avec plaisir les très nombreux personnages secondaires qui fourmillent autour de Jalna, la propriété des Whiteoak. L'effet "série télé" addictif se confirme complètement avec ce second tome.
Le coup de maître de Mazo de la Roche est bien de donner à sa narration une incroyable quantité de détails qui nous font à la fois pénétrer avec bonne humeur dans l'intimité d'une famille de colons aisés, et découvrir des personnalités multiples. On perçoit également parfaitement l'enjeu majeur de l'auteure : faire de "Jalna" une allégorie du bonheur social malgré les épreuves multiples d'une vie humaine.