C’est le premier livre que je lis de cette auteure. Apparemment c’est une habituée des pavés, et celui-là ne fait pas exception à la règle : Joyce Carol Oates nous raconte la Malédiction de Crosswick sur près de 800 pages ! Une malédiction qui frappe certains notables de Princeton, au tournant du XXe siècle, et en particulier une famille, celle des Slade.
Le roman reprend tous les ingrédients que l’on attend d’un bon roman gothique : des démons, des vampires, des fantômes, des héros romantiques torturés, du sang, des meurtres et de l’indicible… La filiation est d’ailleurs largement assumée car les références sont régulièrement citées : l’un des personnages du roman s’appelle Wihelmina, un autre est un conte bien mystérieux qui vient de Roumanie, un autre lit les poèmes d’Emily Dickinson ou les livres des sœurs Brönte…
C’est vraiment long à démarrer (mais dans le genre très très long), car les personnages sont nombreux et qu’il y a énormément de descriptions, et de répétitions, à tel point qu’on se demande quand est ce que la malédiction dont on nous parle dès la première page va «vraiment» commencer (j’ai même pensé laisser tomber). Mais une fois, que celle-ci est lancée (elle débute vraiment avec l’enlèvement d’Annabel Slade par un démon le jour de son mariage, à peu près au mileu du roman), le rythme s’accélère et la narration se simplifie un peu en décrivant, presque un par un, le parcours de tous ceux qui sont frappés (de près ou de loin). Du coup, le livre devient plus prenant et on se dit qu’il serait dommage d’abandonner après s’être farçi autant de pages.
Les disgressions continuent d’être nombreuse mais elles sont aussi importantes que la fiction car la description de l’Amérique des années 1900 est passionnante : la condition pas très enviable des femmes, l’inégalité entre les classes, l’apparition laborieuses des droits civiques, le racisme… C’est presque un travail d’historien auquel se livre Joyce Carol Oates, surtout qu’elle s’amuse à faire intervenir des personnges réels dans son histoire (deux présidents des Etats-Unis, Upton Sinclair, Jack London…)
En bref, c’est un livre vraiment bien foutu (au niveau du style, de la construction, du propos etc…) mais dont la principale qualité, sa densité, est aussi son principal défaut. Autrement dit, c’est bon mais pas forcément très digeste.