En s'ouvrant à la culture anime à travers un ensemble d'œuvres comprenant des titres tels que Robotech, Voltron ou Transformers, les États-Unis donnèrent la part belle au genre mecha dès le début des années 80, et entre autres parce qu'il s'affirme technophile à bien des égards le public nord-américain devint vite assez friand de cette branche de la culture populaire japonaise. Son succès en Amérique – même s'il reste incomparable à celui qu'il connait au Japon – se mesure entre autres aux différentes productions qui se basent sur ce genre, qu'il s'agisse de comics – dont la plupart adaptent les diverses licences déjà évoquées – mais aussi de magazines (Mecha Press, à présent disparu) et même de films à l'occasion (Robot Jox ; Stuart Gordon, 1990).
Les jeux de rôle et de plateau, bien sûr, ne se trouvèrent pas en reste et au bien connu Battletech (FASA Corporation ; 1984) on peut ajouter les plus obscurs Mechas! (Flagship Games ; 1993) ou OHMU War Machines (TBA GAmes ; même année) ainsi que Heavy Gear (Dream Pod 9 ; 1994), et cette liste ne se veut en aucun cas exhaustive... À l'exception du tout premier titre cité ici, Mekton les précède tous et à la différence de ceux-là, son but avoué consistait à permettre de jouer dans un univers typique des animes de mechas au lieu d'en utiliser seulement les machines. Plus qu'un rêve de mechaphile, Mekton était donc surtout un rêve de fan de mangas et d'animes.
Voilà pourquoi une des caractéristiques de Mekton II consiste à permettre aux joueurs d'échafauder tout un background, un passé complet pour leur personnage – background ici appelé Lifepath, pour « chemin de vie ». Ceci afin de leur permettre d'implémenter dans leurs parties ce qui reste deux éléments-clé de la culture manga : le développement des personnages et de leurs relations entre eux. Ainsi, ce Lifepath comprend-il aussi bien l'aspect familial que les amitiés et les inimitiés, ou encore la vie romantique et les détails physiques ainsi que la personnalité : en tout, quatre pages de tableaux dans lesquels puiser à coups de dés ce qui fera les spécificités de votre personnage et de quelle manière il agira avec les autres.
Quant aux phases de combat, Mekton II propose un système qui semblera familier aux joueurs de Battletech, encore que les plateaux et leurs hexagones restent assez optionnels eux aussi ; tout dépend, en fait, du niveau de simulation désiré par les joueurs : les affrontements peuvent aussi se résoudre de la même manière que dans n'importe quel autre jeu de rôle – et afin de garder les choses simples et de les rendre compatibles entre elles, les règles restent les mêmes pour les personnages comme pour les mechas. Toute la différence avec Battletech tient dans la fluidité de la gestion des différentes actions, le système de règles tenant ici lieu d'ancêtre à celui de Cyberpunk 2020 en quelque sorte.
D'ailleurs, on retrouve aussi une certaine similitude avec Battletech dans le système de création des mechas, toute la différence étant que la construction se montre ici bien plus versatile et souple. De plus, le nombre d'équipements et d'options, mais aussi de configurations finales des engins s'avère sans aucune commune mesure avec celui de FASA. En fait, on ne choisit pas dans Mekton un type de mecha de départ, humanoïde ou quadrupède, volant ou sous-marin, on assemble simplement les différents composants dont on estime avoir besoin en laissant ainsi la forme définitive de l'engin se révéler en quelque sorte d'elle-même... C'est donc un système de construction unique en son genre, et qui se montre très vite addictif.
Devant le succès du titre, les extensions fleurirent. Ainsi, Roadstriker II étendit les règles aux scaphandres méchanisés tout en développant les divers types de véhicules et de mechas transformables, jusqu'à permettre la création d'engins capables de se combiner les uns aux autres pour en former de plus grands ; de plus, il proposait aussi des règles de conversion pour Cyberpunk 2020, afin de faire passer mechas et personnages d'un univers à l'autre. Mais l'extension la plus prisée reste bien sûr le Mekton Techbook qui proposait près de 100 pages de composants, d'équipements, d'armes et d'options pour vos projets de mechas, ainsi qu'un nouveau système de pouvoirs psioniques.
En dépit du focus que fait Mekton II sur la branche du genre qu'on appelle real mecha, car elle tente de se cantonner au réel, comme son nom l'indique, ce titre n'en reste pas moins un objet de culte auprès des rôlistes fans d'animes depuis sa première parution il y a plus de 25 ans : en raison de sa souplesse et de sa versatilité, tant sur le plan du système de règles que de la construction des mechas comme de l'univers du jeu qu'il n'impose pas et au lieu de ça encourage les joueurs à créer le leur, Mekton II demeure une référence incontournable, et même le meilleur dans sa catégorie – pas moins.