Oscar Zeta Acosta fut l’avocat célèbre des Chicanos et des déshérités, l’acolyte gonzo de Las Vegas Parano, et l’auteur de deux livres, avant de disparaître en 1974 dans des circonstances inconnues. «Mémoires d’un bison» est un roman d’une large inspiration autobiographique, publié en 1972 et traduit en français en 2013 grâce aux éditions Tusitala.

Oscar est avocat commis d‘office à Oakland, pour le Programme de Lutte contre la pauvreté ; incapable de plaider, il traite des dossiers de divorce, de femmes battues, de mexicains sans papiers «qui ont vécu plus longtemps sur le sol américain que Lyndon Baines Johnson lui-même», face à des avocats du privé qui pensent de gens comme lui qu’ils sont «des pourritures de socialistes, des bons à rien qui ne connaissent pas la valeur de l’argent durement gagné.»

Il est obèse, sujet aux hallucinations ; son psychiatre le pourchasse jusque sous la douche pour lui demander des comptes. Il a écrit des textes, des poèmes, des bouses pense-t-il, mais maintenant – depuis qu’il est avocat - il ne fait que s’empiffrer, vomir et regarder la télé, il se dope au Valium et autres psychotropes pour supporter les regards d’horreur des femmes extenuées qu’il défend. Alors, après douze mois de ce régime, quand un matin il vomit du sang dans les toilettes et qu’il apprend le décès de son assistante le week-end précédent, il met son diplôme d’avocat au panier et plaque tout pour chercher qui il est …

«Dans un grondement de sabots qui projettent des tourbillons de poussière sur mon passage, j’engloutis des kilomètres de sable brûlant en m’efforçant de rester concentré sur la ligne blanche, mon seul repère. Sacramento, le lac Tahoe et les stations Shell. Je dépasse des autostoppeurs chevelus. Je semé des Budweiser vides le long de la piste au cas où je perdrais le Nord vu que je n’ai plus de psy ni de gourou et que leur magie m’est dorénavant inaccessible. De grands immeubles et des kilomètres de bitume sombrent derrière moi à mesure que j’écrase à plein pied l’accélérateur de ma Plymouth 65. La tête pleine d’amphètes, la bite flétrie et une canette à la main, je m’agrippe tellement au volant que mes articulations deviennent rouges. Je m’engouffre à fond la caisse dans le désert de montagnes à la recherche de mon passé.»

Témoignage d’une époque, histoire d’un homme déjanté qui expose ses tripes avec sincérité, d’un bison qui cherche son identité dans les drogues, l’alcool et dans son passé, « Mémoires d’un bison » est un très bon trip, enjolivée par une superbe préface de Hunter S. Thompson.

«Oscar n’était pas vraiment passionné par les combats de rue, mais pour ce qui était des rixes dans les bars, c’était un furieux. L’association d’un mexicain de cent dix kilos et de plusieurs doses de LSD constitue une menace mortelle pour ceux qui s’en approchent – mais quand le mexicain en question se révèle être en fait un avocat chicano enragé, que rien ni personne n’effraye et qui a la conviction qu’il va mourir à trente-trois ans (comme le Christ), alors là, vous avez affaire à un sacré cocktail. D’autant plus si l’enfoiré a déjà trente-trois ans et demi, qu’il a la tête bourrée d’acides Sandoz, qu’il porte un .357 Magnum à la ceinture, qu’il est suivi dans ses moindres déplacements par un garde du corps chicano armé d’une hachette, et qu’il a l’étonnante habitude de dégueuler des geysers de sang rouge sur votre perron toutes les trente à quarante minutes, ou à chaque fois que son ulcère malin ne supporte plus l’afflux de tequila pure.» (Extrait de la préface de Hunter S. Thompson)
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le 21 août 2013

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