Une lecture qui pousse à glousser souvent, à s'indigner un peu, à compatir beaucoup, et à la fin à se trouver vraiment vieille schnoque... parce qu'on ne peut pas dire que l'auteur ne soit pas lui-même une vieille barbe ronchonne, à ferrailler sur tant de pages contre une possible réforme de l'orthographe qui l'horripile. Franchement, on n'en est plus là, je ne vois pas quelle réforme pourrait à présent sauver la langue française classique du naufrage absolu, à présent qu'elle est si systématiquement maltraitée et ravalée au rang d'outil trivial par des générations d'inconséquents grisés par leur pouvoir de tout saccager. Comme s'il était plus difficile de détruire que de préserver. Je ne parle même pas de construire. Mais enfin, pour revenir à ce livre qu'on m'a prêté comme une relique précieuse d'un temps désormais enfui, il commence par un inventaire amoureux des charmes - c'est-à-dire le plus souvent des difficultés - de notre langue. L'occasion de réviser ses classiques mais aussi de découvrir que des cuisseaux ne sont pas des cuissots (mais bon, mes parents sont jurassiens, s'ils avaient employé ces deux mots, ils auraient été très distincts, de même que je n'ai jamais confondu première personne du passé simple et imparfait, merci les aînés !) et de rendre à la complexité de la règle d'accord des participes passés l'hommage respectueux qui lui est dû. Nous serons peut-être les derniers à nous incliner humblement car il me semble que ces préoccupations sont bien éloignées de celles des générations Y ou Z, auxquelles je n'entends rien, n'étant pas abonnée à Tik Tok. Donc, il me faut en convenir, j'appartiens bien au groupe des vieux cons, catégorie finalement assez festive et pleine d'un panache désespéré, qui ne la dispense pas d'une certaine dose d'anxiété face à la désinvolture de la jeunesse face au patrimoine intellectuel qu'on tente en vain de lui léguer. Elle n'en a strictement rien à battre, la jeunesse, et, d'une certaine façon, je vois l'avantage qu'elle peut penser en tirer. Mais aussi les écueils qui l'attendent. Je ne m'étends pas pour ne pas aggraver mon cas et me contenterai d'adhérer modestement à la conclusion de l'enragé Cavanna, qui se contente de réclamer pour lui-même le droit de se compliquer la vie avec cette langue qu'il aime tant et à laquelle il rend dans ce livre un hommage vibrant.