Eastwood mineur, qui porte un titre majeur. Il se déroule dans un lieu propice au film noir. La Louisiane. Le sud profond. (Pardon. La Géorgie, le sud profond). La petite ville de Savannah. John Kelso/John Cusack, journaliste mondain, est venu faire un papier sur une personnalité du coin. Jim Williams, collectionneur, et bon vivant. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Savannah n’est pas une ville comme les autres. On peut voir un gars promener un chien (invisible ?) en laisse. Une sorcière noire adepte de rites vodouisants faire son travail dans un cimetière... tout à fait normal. Welcome to Savannah.
Jim Williams/Kevin Spacey (avec moustache) est accusé de meurtre. Il aurait abattu son amant, le gigolo du coin Billy/Jude Law. Alors qui peut le plus, peu le moins. On voit ce qui a intéressé Eatswood dans cette histoire curieuse et pleine de coins obscurs. Homosexualité, mysticisme, drame, exotisme teinté d’irréel. Sauf que…Á quel moment il a traité son sujet, réellement ? Nous sommes dans le sud, un autre Etats-Unis, ça on l’aura compris. C’est appuyé au feutre rouge.
Tout est fait pour que l’on comprenne ça. Une Amérique qui s’est arrêté dans le temps, que notre journaliste Kelso semble découvrir avec naïveté comme le spectateur lui-même. Ils sont tous aussi bizarres dans le coin ? Superstitieux, médisants avec une morale de bigots, une hiérarchie sociale stricte ? Et l’homosexualité. Pour une fois que Clint en parle…
Et là, c’est que ça coince. Ce n’est pas un bon sujet pour Clint. Trop boueux. Pas assez explicite. Il torche un peu.
Le procès du collectionneur Williams prend toute la place alors qu’on s’en fout un peu. Très peu de suspense dans ce procès. On sait qu’il a tué. Le reste c’est de la gymnastique habituelle de procès à l’américaine. Le surréel, le côté obscur suggéré au début ça se dégonfle en folklore à touristes à deux balles. Et la prêtresse vaudou Minerva, elle n’est pas plus en relation avec les esprits que moi. Elle se contente de dire des banalités, avec la bienveillance d’une vieille nounou noire. Cliché, quoi, digne d’Autant En Emporte Le Vent. Pourquoi se donner autant de mal, alors qu’on voit bien qu’il n’y croit pas, Clint?
Trop de personnages qui ne servent rien. Et voilà qu’apparaît une drag-queen. Il/Elle pose ses valises au beau milieu du film et nous fait le show. Le miss Chabliss show. Kelso se lie d’amitié avec madame-monsieur Chabliss et le film part en démonstration de cabaret. Tenues excentriques, langage funky, port de tête de pornstar qui a son moment de gloire. Lady Chabliss sème le vent partout où elle passe à la grande honte de tout le monde, choquée toute la ville. Où elle fait semblant. Après tout elle n’est qu’une citoyenne de plus à Savannah, ville bizarre par nature. Lady Chabliss vole la vedette à Kelso, puis au film. Et Eatswood s’amuse. De thriller étouffant, on est passé à madame folledingue qui fout le boxon dans un tribunal. Madame sans-gêne qui s’invite à un bal de bienfaisance, sans y être invitée…La honte. Elle est un peu bizarre, non ? C’est un homme ? C’est ça l’homosexualité vue par Clint ? D’accord.
Jouer sur l’ambigüité, autant dire que je ne crois pas que monsieur Eatswood soit fort à ce petit jeu là. Et le thriller revient mais trop tard. Près de deux heures trente se sont écoulés, et l’ennui c’est depuis fort longtemps installé. Sans compter une résolution des plus classiques, pour ne pas dire académique. La justice divine qui frappe comme elle peut, par la grâce du deus ex machina. Final manichéen assez surprenant, et un peu bigot lui aussi.