Mon vieux et moi par jerome60
Dans un texte tenant plus de la longue nouvelle que du roman, Pierre Gagnon aborde un sujet délicat (la vieillesse) avec tendresse mais sans angélisme. Certes, l'altruisme semble être la motivation première du narrateur. Il veut clairement profiter de sa retraite pour accomplir une sorte de BA en accueillant à domicile une personne âgée. Mais on peut se demander s'il n'y a pas derrière ce semblant de charité chrétienne une part d'égoïsme. Ne prend-il pas quelqu'un chez lui pour affronter la solitude engendrée par sa nouvelle situation ? Avoir une présence, pouvoir partager, échanger mais aussi chercher à donner un sens à une existence qui peut sans cela sembler être proche d'un grand vide. Finalement, c'est le choix du compagnon qui est original et surprenant. Là où beaucoup se contentent d'un chat ou d'un chien, lui a préféré prendre à ses cotés un être humain. Et c'est ce choix qui suscite l'admiration, car au bout du compte, il n'accueille pas Léo pour se donner bonne conscience. Force est de constater qu'il porte une réelle affection au vieil homme.
Il se dégage du texte beaucoup de bienveillance désintéressée. C'est sans doute l'aspect le plus important, celui qui permet de balayer l'apparent égoïsme de la démarche au départ. De plus, même si le thème du roman peut paraître grave, le ton reste d'une incroyable légèreté. Rédigé à la première personne, le texte alterne les passages joyeux et ceux, plus pesants, soulignant le lent déclin de Léo :
« Certains jours, en après-midi, il n'a envie de rien. Il s'installe alors au salon pour ne plus bouger. Il peut y demeurer pendant des heures. Je glisse un oreiller derrière son dos pour l'aider à tenir. Il attend quelqu'un... Plus tard, devant l'évidence que personne ne viendra, il se remet en route pour sa chambre ou la salle de bain. Voila, c'est tout. Ça s'appelle vieillir. Jamais on ne raconte ces choses-là, bien sûr. Ça n'intéresse personne. »
Au final reste la délicieuse impression d'avoir partagé avec ces deux hommes quelques instants d'humanité. Et par les temps qui courent, ça fait vraiment du bien !