Morituri
7.4
Morituri

livre de Yasmina Khadra (1997)

Morituri est un roman qui date de 1997, signé Yasmina Khadra, pseudonyme féminin d'un auteur homme qui, à l'époque était militaire et écrivain. Depuis, il s'est entièrement consacré à sa plume, toujours pertinente, voire impertinente pour les régimes liberticides que l'auteur combat à travers toute son œuvre.
Morituri, se déroule dans une Algérie des années nonante ravagée par le fondamentalisme religieux de certains, la soif de pouvoir et d'argent des autres, le manque d'état de conscience et d'humanité de tous. D'une lecture plus difficile, à mon sens, que les romans suivants, Morituri met en scène un commissaire Llob qui refuse le pouvoir de ces désaxés et leur recherche de pouvoir et d'avoir. L'écriture est hachée, les personnages nombreux, les dialogues durs, âpres et dérangeants. Ici, contrairement à d'autres écrits de Yasmina Khadra, il n'y a pas de place au lecteur pour choisir son camp, comprendre les personnages, réfléchir sur un choix de valeurs à poser. L’auteur y va franco, le ton est donné d'entrée de jeu, c'est la justice qui doit être poursuivie par l'enquêteur et les prédateurs d'humanité doivent être réduits à néant!


Les quelques dernières pages sont d'un tout autre ton, l'auteur y regrette tout ce qui faisait la splendeur, la grandeur et la fierté de son pays avant la montée des intégrismes et la prise en main du pays par les magouilleurs et les diseurs de faux dieux!


Je regarde Alger et Alger regarde la mer. Cette ville n'a plus d'émotions. Elle est le désenchantement à perte de vue. Ses symboles sont au rebut. Soumise à une obligation de réserve, son histoire courbe l'échine et ses monuments se font tout petits. Alger vit à l'heure des idées fixes. Ses troubadours ne chantent plus. Partout où porte leur muse, ils la voient muselée. Leurs mains, orphelines, plutôt deux fois qu'une - d'abord pour la flûte qui s'enraie, ensuite pour la plume qu'on assassine - ne savent plus tâter le pouls de la terre comme elles le faisaient naguère lorsque nous étions sorciers et sourciers. Alger est un malaise, on y crève le rêve comme un abcès. [...] Nous étions pauvres mais, tels les nénuphars que les eaux croupissantes de l'étang n'altèrent pas, nous flottions à la surface des déboires avec une rare sobriété et nous guettions la lumière pour nous en inspirer. Puis, à l'éclosion du cocon et devant l'autodafé des serments, notre mémoire s'est 'désensoleillée'. Le soir s'est installé dans nos cœurs, un soir sans lune et sans étoiles, sans audace ni tendre passion; une pénombre tendue en toile d'araignée dans laquelle nos prières s'amenuisent...


Un petit regret, la version numérique que j'ai lue regorge de scories dans la mise en texte, en page (doublement de mots, coupures entre syllabes, mots manquants, ... Yasmina KHADRA ne mérite pas ces attaques de la langue qu'il maîtrise et sert de sa plume avec tant de justesse dans le ton.

Créée

le 26 juin 2017

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