Dans une société dystopique où l'identité est définie dans et par son téléphone portable, où la société civile a fait place aux sociétés commerciales, Lauren Beukes nous fait suivre le parcours de jeunes gens très différents qui souhaitent changer les choses. Chacun à sa manière ils vont tenter de dénoncer la ségrégation numérique, le monde régit par la publicité et la main mise des pouvoirs sur la vie des gens. Activiste, programmeur, artiste leurs histoires personnelles vont se croiser sans jamais réellement former un groupe.
L'auteur créée un monde très cohérent, où les outils technologiques ultra-connectés ont dépassé le cadre du divertissement pour définir "officiellement" les personnes. Un des passages les plus réussis du livre décrit d'ailleurs les personnages dépités de voir leurs téléphones désactivés du réseau, impossible de payer le taxi, impossible d'entrer dans son immeuble ou même d'acheter de la nourriture. Lauren Beukes développe l’aspect ultra sécuritaire et liberticide de son roman avec talent et non sans provoquer de l'anxiété au lecteur par les parallèles évidents que l'on peut faire avec notre monde actuel. A ce propos la postface développe les exemples se révélant prémonitoires.
Cela-dit, le roman n'est pas franchement une réussite. Le fait d'utiliser des personnages hétéroclites et sans but commun présente souvent une difficulté particulière pour réussir une histoire qui possède tout de même une vue d'ensemble cohérente. Malheureusement dans "Moxyland" on ne sait pas où tout cela nous mène il manque un fil conducteur à la lecture. Suivre les différents personnages sachant qu'aucun n'a réellement de but précis hôte l'envie de poursuivre le bouquin, j'ai eu du mal à me passionner pour l'histoire et poursuivre la lecture pour connaître la fin.
Pour le style l'expérience n'a pas été bien meilleure. L'utilisation de trop de vocabulaire typiquement Sud-Africain non traduit oblige à jongler entre le récit et le lexique et pénalise d'autant plus le rythme. J'irai même plus loin en disant que le livre me laisse l'impression que la construction relativement complexe du roman existe pour coller à une image "pop" ou "underground" du mouvement cyberpunk. Je ne sais pas ce qu'il en était dans Zoo City, mais l'artifice semble un peu factice.
Lauren Beukes crée un univers cohérent et intéressant mais peine à raconter une histoire qui en vaille vraiment le coût. 5/10