La plume d’Hélène Bessette est un scalpel et lire ses textes est un choc.

Hélène Bessette (1918-2000), auteur restée trop obscure, malgré ses treize livres publiés chez Gallimard, fut mariée à un pasteur protestant. C’est aussi le métier de l’auteur des lettres qui composent ce livre de 1963, «N’avez-vous pas froid», qui fut à l’époque sur les listes du Goncourt et du Médicis.

G. écrit à sa femme Dora, malade et partie en Suisse pour se faire soigner. Les réponses sont absentes du récit mais on les devine dans les lettres de G. Cette correspondance lue à sens unique ouvre les portes d’une chambre noire, intérieur d’un homme en morceaux : il veut se séparer de son épouse, il en aime une autre, mais, pasteur, est écrasé par les institutions du mariage, de l’Église et le respect des conventions. Désemparé, fracturé, il avance dans une valse-hésitation, introspection dans laquelle il se perd, mais en même temps manipule, a recours à des tactiques déloyales, accuse et porte des coups faits de mots.

Le changement de registre, des banalités courtoises de deux êtres devenus étrangers l’un à l’autre, en passant par l’espoir, les regrets, la disgrâce ou les accusations, sont des sauts, des déséquilibres qui nous plongent au cœur de ce qui fait un homme.

«Et t’ai-je jamais aimée ? Je me le demande.
Mon Amour était comme ma Foi.
Rien du tout.
Des mots. De l’air. De la jeunesse. Sans raison. Des forces.
À dépenser.
Maintenant je terminerai ma vie avec
ce rien-amour
ce rien-foi.
Parce que je ne veux pas souffrir la Condamnation sans appel de l’Eglise au visage cadavérique et violet.»

L’écriture est chargée d’une souffrance écrasante malgré son dépouillement, et les mots d’une acuité et d’une cruauté cinglantes. Dans ces phrases détachées sur la page comme un texte poétique, chaque mot se défait de sa banalité.

«Dialogue des cœurs à demi-mort. A du mal à prendre fin.
Et nos cœurs en cendre ont du mal à mourir.
À se consumer.
Jour par jour.
Lettre par lettre.»
MarianneL
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le 24 nov. 2013

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