Nadar
Nadar

livre de André Barret (1975)

Un livre d'art illustré, au commentaire très agréable à lire. La biographie de Nadar par André Barret fait une cinquantaine de pages, après quoi on trouve une cinquantaine de planches en pleine page montrant les portraits les plus célèbres de Nadar, avec sur la page attenante une biographie centrée sur les relations du personnage à Nadar et la composition du portrait.


Au fonds, ce livre illustré offre un joli panorama des sommités du XIXe siècle : compositeurs (Offenbach, Berlioz, Rossini...), écrivains (Nerval, Baudelaire, Vigny, Hugo sur son lit de mort, Barbet d'Aurévilly, Gautier, Sand, Tourgueniev, les Goncourt, Daudet, Dumas, Labiche, etc...), acteurs (Sarah Bernhardt), illustrateurs (Doré, Daumier), journaliste (Philipon, Emile de Girardin), peintres (Courbet, Corot, Manet, Millet, Chenavard), architectes (Viollet le Duc, Garnier), universitaires (Littré, Michelet, Guizot)...


La biographie présente un léger défaut : elle prend davantage la forme d'un essai que d'un récit chronologique. Le plan est thématique. On part des origines de Nadar, alias Gaspar-Félix Tournachon, fils d'un négociant (qui connaît un échec comme libraire progressiste) et d'une rentière. L'auteur retrace ses années de bohème dans le très balzacien milieu du journalisme de la Restauration, ses amitiés avec Baudelaire et Banville, ses débuts comme caricaturiste, sa tentative avortée d'aller aider la révolution polonaise en 1830.


Le premier succès de Nadar est son Panthéon, paru en 1854 : une affiche rassemblant sur une même lithographie une caricature de tous les grands hommes d'art du XIXe.


Puis à partir de 1853 il découvre la photographie et en fait son métier, utilisant des plaques de verre enduites de colodion, qui imposent 4 formats (18x24, 11x22, 21x27, 31x26), avant de passer en 1880 à la plaque sèche au gélatino-bromure. Les photos servaient sur des cartes de visite, si j'ai bien compris. Bref, Nadar devient le photographe du Tout-Paris dans la période du début du Seconde Empire (qu'il exècre). Il fait aussi un reportage dans les catacombes de Paris (en tulisant des mannequins, car le temps de pause de plusieurs minutes interdisait une prise de vue réelle). Esprit curieux, passionné par la conquête de l'air, il réalise la première photographie aérienne, une vue aérostatique de la place de l'Etoile. En 1870, il investit dans des aérostats pour aider à la défense parisienne, mais en sort ruiné : il faut plusieurs années pour rétablir sa situation financière. En 1886, il transmet à son fils une entreprise saine, mais tous deux seront en bisbille. Il se retire pour s'occuper de sa femme infirme à l'Ermitage, dans la forêt de Sénart, puis décide de réouvrir un atelier à Marseille.


On revient ensuite sur la passion de Nadar pour l'air. S'il échoue à populariser sa société d'encouragement pour la locomotion aérienne, il lance une souscription pour créer le plus grand aérostat de l'époque, "Le Géant (45 m de haut, 6000m3 de gaz), entreprise qui s'arrête après un atterrissage dramatique lors du 2e vol. Nadar voit avec plaisir Blériot traverser la Manche en 1909 : comme Jules Verne, il croyait davantage aux "plus lourds que l'air" qu'aux aérostats.


Nadar a tenté d'écrire, mais avait conscience de ses limites. On lui doit "La robe de Déjanire" (1845), "Quand j'étais étudiant" (1856), dédié à Sand et "Le miroir aux alouettes" (1859). Fin XIXe-début XXe, il écrit davantage, des souvenirs : "Sous l'incendie", sur la Commune ; "Quand j'étais photographe" (1900), "Charles Baudelaire intime" (posthume). Il avait du goût pour la polémique, l'ironie, la vulgarisation. Ses talents relevaient davantage du chroniqueur.


Au niveau des opinions, Nadar est resté proche de ses convictions exaltées de quarante-huitard. Il méprisait Lamartine et Gambetta, admirait Lamennais.


En terme technique, Nadar faisait poser ses modèles sur un fonds uni sobre, pour privilégier l'expression naturelle des visages. Il retouchait parfois quelques défauts au pinceau.


Un joli livre d'art, facile à lire, qui permet de faire un rapide tour d'horizon du tout-Paris du XIXe siècle.

zardoz6704
7
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le 9 août 2018

Critique lue 70 fois

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