Drake hulula, sous une lune rose
Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par deux reproches.
Histoire de ne pas permettre que repose sur cette critique une odeur de suspicion, sous le fallacieux prétexte que je connais l'auteur de cette biographie de Nick Drake.
Cela ne fera que renforcer, je l'espère, les éloges qui suivront ces remarques introductives désobligeantes.
Monsieur Toquet, si d'aventure l'envie vous prenait un jour de composer à nouveau un texte amusant, agréable et instructif, tâchez de le rendre un peu plus long qu'un très grand article de journal.
C'est vrai, 63 pages, c'est un peu raide, quoi.
Surtout quand c'est bon.
Ensuite, dans votre démarche d'embrasser tous les aspects de la vie du poète troubadour folk de Tanworth-in-Arden, je me demande bien ce qui a pu vous traverser l'esprit pour vouloir consacrer trois pages (TROIS !) à l'influence des astres sur le destin du chanteur-guitariste maudit ?
Un penchant douteux mal assumé ? Une tentative maladroite de rejoindre les thèmes évanescents développés par le sujet de votre essais ? Un angle humoristique mal maitrisé ?
Quelle que soit la raison, je considère que le chapitre trois assombrit la clarté de l'ensemble...
Venons-en aux qualités de cette bio, nombreuses (et concentrées, vu le peu de pages).
Laurent Toquet aborde son sujet sous un jour éminemment personnel, avec un humour direct et rafraichissant (qui ne dérape que lors d'un"si Nick nique" limite) à l'aide d'un style à la fois simple et prenant.
Les partis-pris sont assumés (et je sais à quel point s'attaquer de manière si frontale aux années 80 peut être étonnement mal perçu, comme j'en ai fait la curieuse expérience sur ce site), les avis tranchés et la direction claire. L'auteur a passé trois bonnes décennies dans l'univers de la distribution de la musique, et la passion qui l'anime transpire à chaque page. Le bougre connait son sujet.
Nick Drake est abordé sous toutes les coutures (dont une superfétatoire, donc), biographique, esthétique et critique. On passe en revu la musique, les textes, le pochettes avec une certaine jouissance mais sans complaisance.
Plus que tout, surtout, et c'est je crois le meilleur compliment que l'on peut faire au livre, ce perpétuel automne donne envie de se replonger dans la (courte) discographie de Nick Drake.
Ce que nous avons découvert du bonhomme au fil de ces pages nous le rend plus proche, plus intime, et paradoxalement moins pathétique même si toujours autant énigmatique.
Une sorte de saut étrange avec l'homme de la rivière.