Le hasard de la collection "Série Noire" m'a fait rencontrer cet auteur Jean-Bernard Pouy, plutôt iconoclaste, clairement soixante-huitard, adepte de l'Oulipo, anarchiste. Bref, à peu près tous les qualificatifs qui auraient dû m'en détourner dans une vie normale … Mais ce roman est un OVNI improbable, avec beaucoup de second degré et animé d'une certaine fraîcheur sinon d'une ironie certaine. J'avoue que j'ai bien aimé, me suis bien amusé et j'ai bien aimé le relire …
Pensez qu'un jour une petite bande de jeunes s'attaquent en France à des anglais. L'un bafoue un ambassadeur anglais lors d'une réception "Chien d'anglais, Rosbeef de merde, tes jours sont comptés", un autre vide une poche de sang de bœuf sur un comptoir de la British Airways, le dernier balance une grenade dégoupillée sur la scène d'un groupe de punk anglais en concert à Paris … avant de passer à des choses plus sérieuses et meurtrières.
On découvre que le groupuscule se fait appeler "Arthur Rimbaud" obligeant le commissaire de police à se replonger dans les "œuvres complètes de Rimbaud dans la collection de la Pléiade. "Le genre de bouquin qu'il m'est impossible de lire. Avec mes gros doigts, en plus, je les mouille, alors ça transperce".
En fait, il se contentera de mettre ses adjoints à la lecture détaillée de l'Histoire de Jeanne d'Arc et de Rimbaud.
On va avoir des flics cultivés, c'est un monde !
Et puis comme le roman ne nous cache rien avec des chapitres dédiés aux uns et aux autres, on découvre que le groupuscule Arthur Rimbaud est solidaire (fusionnel même) d'une jeune fille, Anna, anglophobe en diable puisqu'elle fait suivre à ses trois fidèles un itinéraire qui n'est ni plus ni moins que celui de Jeanne d'Arc dont l'objectif était "de bouter l'anglais hors de France."
D'un côté, on suit les jeunes terroristes suivre leur campagne de folie. De l'autre, on participe aux réflexions poussées et poussives des flics pour tenter de comprendre avec des règles de logique quelque chose de complètement dément. En parallèle de cela, le romancier évoque d'autres évènements (un groupe de rock anglais très imbibé et un satellite en train de tomber sur Terre) dont on ne comprendra l'utilité que lors de l'apothéose finale …
Roman donc, construit sans suspense d'action (car on dispose de toutes les données) mais avec un véritable suspense d'intérêt (car on se demande bien comment ça va se terminer).
Le style alerte et, faut bien dire, un peu déjanté est pour beaucoup dans la réussite de ce roman d'autant qu'il parvient à rendre - presque - sympathiques les différents héros au sein de leur folie … Ou plutôt que le lecteur peut – parfois – éprouver de l'empathie …
Comme si "monstrueux" pouvait rimer avec "romantique" …