De la première à la dernière page, je me sens emportée par le récit de cet adolescent Olivio. Les mots sont simples et puissants. Chaque paragraphe porte une émotion. Il m’a fallu parfois ralentir pour contenir cette émotion. Vivre ce beau moment d’émotion touchée par le récit et les mots. Le sentiment d’être l’ami d’Olivio en partageant ses moments forts de sa vie. En tout cas, l’envie de l’être. Olivio décrit sa vie telle quelle avec ses étonnements, sa douceur, sa cruauté. Le départ du Portugal de Salazar avec sa mère, l’arrivée en France; la nouvelle vie. Mais que devient son père? Le chat Océano aide à dépasser les épreuves. L’ami Ahmed est celui qui le comprend le mieux.
On suit la vie des opposants portugais en France. Le souvenir de l’oppression reste dans la tête. » Il avait quitté le pays après avoir fait l objet d’une surveillance qui l’avait rendu fou. Il avait perdu le sommeil et imaginé que des hommes étaient postés près de son logement, près de son travail, dans les rues qu’il empruntait le matin et le soir, sur les toits et dans le tramway, il voyait des hommes de la Pide partout sur son passage »
Il y a l’apprentissage de la langue française. Vivre son temps présent en restant accroché à ce qu’on a laissé au pays natal. Cette déchirure qui donne une façon de voir les choses, d’appréhender
« J ai ouvert la porte du salon et j ai vu le canapé défait mais sans elle. Je n ai pas eu peur, j étais surpris qu’elle ait osé me laisser. Pendant quelques secondes, je me suis senti abandonné et puis c’est passé, j ai compris qu’elle était allée rejoindre Max et que sa vie recommençait, ailleurs et sans moi. »
Le croisement d’expériences entre ceux qui viennent du Portugal et ceux qui viennent d’Algérie. Oui mais de quelle côté de l’Algérie? Il y a l’Algérie de Max et l’Algérie d’Ahmed.
Et lorsque éclate la Révolution des Œillets, un chamboulement dans le cœur de ces portugais qui ont souffert de cette liberté oppressée. La tristesse de ne pas être dans le pays. Le sentiment de vivre un évènement historique. L’euphorie. Les citoyens orphelins de leur liberté voient leur rêve se réaliser: enfin la fin de la dictature. Le peuple redevient peuple. Il retrouve la souveraineté.
« Ma mère redevenait portugaise et n’avait plus comme objectif de s’intégrer, de se dissoudre dans a masse, elle revendiquait soudain ses origines et son passé. Je n’aurai pas imaginé que la révolution lui donnerait autant d’aplomb. »
Max tout comme Ahmed eux venant d’Algérie ne comprennent pas cette révolution pacifique « Max n’avait pas pu s’empêcher de faire remarquer qu’une révolution avec fleurs, il ne fallait pas rêver? Il ne supportait pas que le Portugal s’émancipe en douceur, alors que du sang avait été versé en Algérie »
L’œuvre de Brigitte Giraud est très riche. Tellement de thèmes abordés avec intelligence et grande sensibilité. : le deuil, l’adolescence, la reconstruction, la dictature, la lutte pour les libertés, l’immigration, l’intégration.
Pendant que je le lisais, je sentais de plus en plus le coup de cœur me prendre et m’étreindre. Je ressentais de la tendresse pour cet adolescent, de l’antipathie pour Max, et quelques larmes ont fini par couler.