Nuages mouvants écrit par Hsieh Hai-meng, est la description des années de préparation, des freins à la production, du tournage, des difficultés pour une équipe de 4 personnalités aux avis divergents, et de l'écriture du scénario, le rendant d'autant plus difficile que l'adaptation d'un écrit de plus de 1000 ans doit pouvoir s'insérer dans l'art cinématographique d'aujourd'hui, sans compter les restrictions propres au metteur en scène. Ne pas faire un film de combat de sabre, ni un film d'action, ni un film d'amour, ni user d'effet spéciaux, et rejoint sa préoccupation de parler au spectateur sans faire un film commercial, malgré quelques volontés pour personnaliser son héroïne, Jason Bourne et son utilisation de tous objets à sa portée pour se battre, ou de l'autisme de Lisbeth Salander.
Le titre de la chronique fait lui directement écho à celui des mémoires de Teruyo Nogami, la script et collaboratrice au long cours d'Akira Kurosawa intitulé Wainting on the weather. Ce titre évocateur souligne l'attente lors de tournages des éléments naturels, le soleil, le vent, le brouillard et la pluie pendant la plus grande partie de leurs journées de travail. Kurosawa ne faisant aucune concession lui non plus aux prises de vues naturelles.
La réalisation de The Assassin subit les mêmes aléas dus à la mise en place technique, où une fois le matériel volumineux installé, le brouillard s'est déjà levé depuis longtemps...et aux accès colériques de Hou Hsiao-hsien comme de ceux d'Akira Kurosawa.
Hsieh Hai-meng, s'accorde quelques envolées poétiques dans les lointaines contrées, nous décrit une nature parfois inaccessible, et son imagerie nous transporte aisément dans les montagnes,et le calme environnement, la faune et la flore, temple et autres forêts de lilas aux minuscules fleurs qui scintillent, à la forme curieusement arrondie aux tronc souples, ou encore la passion du réalisateur pour les sapins qu'il veut filmer....et nous décrit par nombre de métaphores les péripéties de tournage. Son écriture est fluide et elle sait capter l'attention par de multiples changements d'angles, passant par des explications historiques, humaines ou plus techniques, ancrées dans l'histoire du cinéma. La grosse angoisse du réalisateur sur l'arrivée du numérique lui qui n'aime que la pellicule. Un retour sur le cinéma de Myasaki et sa technique de l'hydrothérapie (consistant à insérer dans ces histoires un moment de flottement) où l'on perçoit clairement la critique et les défauts de rythme à éviter pour The Assassin.
Mais elle s'en sort bien mieux que lorsqu'elle essaie de justifier les nombreuses complications dues surtout à une mauvaise organisation. C'est une fois sur place qu'ils se renseignent sur les erreurs à ne pas faire, plantes, légumes ou autres animaux de l'époque en n'ayant comme ultime solution que de faire du porte à porte chez les villageois pour leur demander de leur prêter leurs cochons noirs. Sachant que le temps de tournage est compté et que les prises de vues naturelles compliquent encore le travail, on est d'autant plus surpris. Et sachant encore que notre narratrice nous assure de leur recherche minutieuse sur les us et coutumes de l'époque, et ce pour ne pas passer pour des nuls. Pour finir sur place par surfer sur les smartphones pour trouver des informations, le jour même d'une préparation de scène...
L'équipe n'aura pas les bons accessoires et ne savent pas les fabriquer, n'écoute pas les directives, et l'incapacité de certains laissent aussi grandement perplexes. On se défoule sur l'inutilité des figurants et des techniciens,
On se plaint du froid, et du vent de la Mongolie intérieure,du manque d'eau, de chaleur ou de nourriture (et oui l'équipe chargée des équipements et des fournitures n'est pas au top non plus) et on perçoit aisément les difficultés de vie dans ces contrées éloignées, pour tous ces citadins...Ceci dit sans ironie.
Hsieh Hai-meng relate maladroitement ses/les sentiments ambiants à la rencontre des habitants ou de leur mode de vie. Que ce soit les villageois (ceux du village où Nie se réfugie avec le polisseur de miroir après avoir été blessée) pauvres et vivant dans des masures en mauvais état et leur désir de vouloir un peu de confort.
A certains alors de s'étonner qu'il aient si peu de goût à vouloir remplacer leurs toits de chaume par des tuiles...de critiques sur des habitants qui chercheront à soutirer de l'argent sans qu'eux même ne dédommagent ceux qui les accueillent... Autre comportement pour le moins surréaliste de notre équipe, œuvrant pour l'environnement : l'équipe n'hésitera pas à manger de l'ours noir, sachant qu'il s'agit d'une espèce protégé mais se mettra tout de même à table...Bon appétit.
Du coup, les quelques pointes d'humour, qui parsèment cette chronique de tournage, ratent le coche.
Pour ce qui est de la nouvelle originale de Pei Xing.(moins de 2000 caractères -ici 5 pages environ-). Un bref Chuanqi, caractéristique de l'époque et où les fictions ne s'embarrassaient pas de circonvolutions inutiles. Le théâtre.côtoie le fantastique sans explication à ces faits extraordinaires. Dans ce récit particulier point de théâtre mais la magie et les pouvoirs surnaturels, indissociables de l'histoire qui se déroule (possibilité de Nie Yunniang de se transformer en insecte, de prédire l'avenir par exemple). Ces dons intègrent le récit comme de bien entendu, Le côté expéditif du récit se concentre sur Nie Yunniang et se lit comme la destinée d'une vie volée, qui retrouve enfin son chemin rédempteur grâce à la rencontre et à la bienveillance d'un polisseur de miroir -soit dit en passant, incapable à toute tâche autre que de polir.
Une aventure sans émotion particulière et qui rappelle au roman Trois affaires criminelles résolues par le juge Ti, écrit également pendant la dynastie Tang, qui raconte les péripéties d'un magistrat enquêteur, les protocoles d'usages et de droit, jusqu'aux séances de tortures pour les coupables, clairement imagées et ce, sur le même ton...
L'histoire se déroule pendant l'ère Zhenyuan (785-804) de la dynastie des Tang (601-907) sous le règne de l'empereur Dezong et sert de préambule au métrage de Hou Hsiao-hsien, qui brodera alentour avec une romance avortée avec le seigneur Tian, absente du récit. Le cinéaste intègre d'autres personnages, passant des huit du récit à 25 protagonistes, (la femme masquée, les villageois, le seigneur Tian, gouverneur de Weibo, son épouse et sa concubine, le sorcier, et une place plus importante pour la nonne taoïste, -qui disparaît comme elle est venue dans le récit...).
Au contraire, un parti pris plus théâtral (toujours le genre Chuanqi) et des scènes d'action intégrées au film pour une meilleure lisibilité. En ressort finalement une certaine homogénéité malgré ses zones d'ombres.
Le scénario (La 38 ème version) est écrit par A. Cheng scénariste et romancier (Les trois rois) et Chu Tien-wen (écrivaine et mentor du réalisateur qui l'introduisit au cinéma d'auteur) et Hsieh Hai-meng, jeune littéraire (qui devrait sortir une version romancée de l'histoire pour compléter le film !).
Quelques pages supplémentaires au récit, peu de dialogues, le scénario se lit aisément et on retrouve les scènes importantes du film.
La polémique lors de l'écriture, autour du polisseur de miroir, les uns souhaitant l'intégrer afin de démontrer sa bienveillance et l'impact qu'il aura sur Nie, les autres trouvant le personnage fade et non nécessaire à l'intrigue, explique certainement le défaut de caractérisation du personnage du film.
Une préface de Jean-Michel Frodon qui nous permet de mieux cerner le réalisateur dans sa volonté cinématographique, et le parcours de chacun de ses acolytes avec - au moins -leur important travail de recherche historique à aujourd'hui du genre Wuxia, romans et films compris et une post face de Chu Tien-wen (nous apprendrons qu'il s'agit de la tante de Hsieh Hai-meng) pour un hymne au talent incommensurable de sa nièce...à défaut d'explication sur la finalité du tournage.
On saura plus tard que le réalisateur et son équipe ont été déçus du résultat. La plupart des scènes écrites et/ou filmées à la bonne compréhension, ayant disparues au tournage ou au montage, ou n'ayant tout simplement pas été tournées).