Un roman habité par des ombres
Les livres de Edgar Hilsenrath se suivent mais ne se ressemblent pas. J'ai commencé avec "Fuck America", roman proche de John Fante, j'ai poursuivi avec "Le nazi et la barbier" roman burlesque sur un sujet qui ne l'ai pas. Et je viens de terminer "Nuit", roman funèbre quasiment expurgé de toute trace d'humour. Il faut dire que le sujet est délicat.
"Nuit" c'est le récit sans concession de la vie dans le ghetto Prokov en Roumanie en 1942/43. Tellement peu de concessions que le roman fut interdit en Allemagne jusque dans les années 60.
On suit donc Ranek, le protagoniste principal, dans le ghetto, où il se livre à la double quête permanente de tous les habitants : trouver un toit où dormir pour ne pas être victime de rafle et trouver à manger.
Comme Ranek, les habitants du ghetto se livrent à toute les bassesses humaines pour satisfaire cette pulsion humaine fondamentale : vivre.
Le roman est remarquablement écrit, hyper réaliste et glacant. Les personnages ne sont que des fantômes qui tenten de prolonger leur existence, ils passent et disparaissent dans la nuit pour laisser la place à d'autres. Les liens familiaux, l'amour et l'amitié disparaissent, les malades sont des inutiles qui consomment des ration de nourriture et dans cet univers absurde peuplé d'ombres, la ligne qui sépare les morts des vivants est bien mince. Les décors sont à l'avenant, des bouts de mur, des morceaux de maisons, tout de gris vêtus.
Quelques étincelles de lumière existent, Ranek tentant de préserver dans son humanité malgré les horreurs qu'il voit et qu'il commet. Etincelles qui auront bien du mal à éclairer le livre mais le lecteur lui sortira éclairé sur l'humain malgré toute l'obscurité que contient le roman, ce qui est la marque des grands livres
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